EXPLICATION DE TEXTE  DURKHEIM

 

 

Corrigé rapide:

 

 

Peut-on être trop vertueux ? Cette question semble a priori aberrante car une personne vertueuse agit moralement et accomplit de bonnes actions pour autrui et pour la société. Pourtant en donnant à la morale un caractère absolu ne serait-on pas tenté d’imposer aux autres nos propres normes ? N’en viendrait-on pas aussi à sacrifier exagérément nos intérêts ? La société tout entière pourrait-elle encore bien fonctionner ?  Durkheim pose dans cet extrait de son oeuvre  De la division du travail social   la question des limites de la morale et soutient qu’il peut se trouver  « des excès dans la morale ». Le devoir moral est-il alors limité ou absolu ? Pour soutenir sa thèse, l’auteur examine d’abord les limites externes de la morale puis les conflits entre la morale et les intérêts ; enfin il conclue sa réflexion par le juste équilibre à trouver entre la morale et les autres exigences de la vie sociale.

 

  

PLAN

 

  

I/ Les limites externe de la morale (L1à L6) [ Les titres ne doivent pas figurer dans la copie]

  

La morale a pour Durkheim une origine sociale, « Quand la conscience parle, c’est la société qui parle en nous » ; Toute morale correspond donc aux besoins d’une société.  Il serait alors nuisible de vouloir imposer à un groupe social, une morale qu’on jugerait plus juste ou plus noble. On peut prendre ici l’exemple du colonialisme qui s’est souvent accompagné d’une prétendue volonté de moraliser des peuples dits « sauvages ». Or cette prétention n’était que l’effet de l’ethnocentrisme et de l'incompréhension de l'origine de la moralité. Chaque société à ses propres mœurs qui sont liées à ses besoins et à son histoire. Imposer une morale jugée supérieure, comme le christianisme a pu prétendre le faire, conduirait ainsi à désorganiser la société en créant un trouble en son sein.  L'individu ne sachant plus en quelque sorte où se trouve son devoir. 

  

 

II/Les conflits entre le devoir et l’égoïsme (L6 à  L9)

 

L’auteur s’interroge en utilisant une question rhétorique les limites  du devoir moral.

Le devoir moral conduit à considérer l'intérêt d'autrui et à ne lui porter aucun préjudice mais il recommande aussi de lui venir en aide et comme on dit de  "secourir son prochain".  C'est donc sans doute à la morale judéo-Chrétienne que l'auteur se réfère tout au long de sa réflexion. 

Or devoir moral ne peut être absolu selon l'auteur car il viendrait à  imposer à l'individu le sacrifice de ses propres intérêts.  Une personne qui dépenserait tout son argent pour nourrir les malheureux n'auraient plus lui-même de quoi se nourrir! Il ne pourrait plus à son tour travailler et aurait alors besoin du secours des autres pour vivre.  La formule populaire "Charité bien ordonné commence par soi-même" trouve ici son sens. Il faut d'abord penser à soi avant de penser aux autres.

 

Enfin, c'est même notre nature  qui nous impose de satisfaire des  besoins et la morale ne peut donc interdire ou condamner ce que la nature exige.

 

L'individualisme apparaît donc comme un principe admis et reconnu par l'auteur.  

A l'inverse, l'absence de tout principes moraux conduirait l'individu à ne penser qu'à lui et le conduirait à un égoïsme sans frein. Les relations humaines deviendraient alors conflictuelles dans la société. Si le mensonge, la trahison, le vol deviennent monnaie courant alors toute confiance disparaît et les échanges ne sont plus possibles.

 

III Le bon équilibre entre l’intérêt et la morale (L9 à L 16)

 

L'auteur s'interroge sur l'équilibre à établir entre la morale et les différentes activités d'une société telle que le travail et le commerce.  D'une façon paradoxale voire choquante, Durkheim indique que la morale pourrait paralyser l'activité d'une société. L'auteur semble proche ici des idées de Mandeville développée dans sa célèbre fable des abeilles.  Le développement économique est souvent lié à des désirs qui sont éloignés d'une exigence morale. Raffiner les plaisirs, vivre dans le luxe voire la luxure, montrer avec ostentation ses richesses aux autres sont sans doute des désirs très éloignés de la morale et pourtant ils crée une activité économique qui procure du travail et enrichit la société. Si les hommes devenaient totalement vertueux, toutes ces activités disparaîtraient réduisant  l'activité économique en appauvrissant la société.

D'autres enjeux apparaissent également de nos jours avec la compétition et la guerre économique que se livrent certains  pays.  Conserver des brevets pour des médicament à un intérêt économique mais semble immoral si cela empêche des millions de personnes de bénéficier d'un traitement rapide. Céder ses brevet, c'est renoncer à des profits qui permettraient d'investir dans de nouvelles recherches.  L'intérêt économique de la société et la morale ne semblent donc pas toujours compatible ou reste tout du moins difficile à équilibrer.  Sans nier l'importance de la morale, Durkheim semble donc vouloir relativiser son importance dans la société.

 

La morale permet une régulation des rapports sociaux, elle facilite les échanges, rend les rapports humains moins conflictuels mais elle ne peut à elle seule fonder tous les échanges qui s'établissement davantage sur l'intérêt bien compris plutôt que sur l'amour du prochain.  La morale ne peut donc pas à elle seule réguler les rapports humain en particulier dans les domaines du travail et du commerce selon l'auteur. On peut alors se demander si  l'auteur est cynique ou bien réaliste.  En prenant en compte ce que font les Hommes plutôt que ce qu'ils "devraient faire", l'auteur écarte l'idée d'une norme morale transcendante, d'un idéal universel comme pouvait l'envisager Kant avec l'impératif catégorique. "Tu ne tuera pas" est une exigence inconditionnelle pour la morale déontologique de Kant mais est-elle vraiment applicable ? Que dois faire un soldat en temps de guerre ? Car s'il applique cette règle, il sera probablement le premier à être tué. Toutefois sans un idéal moral, la société pourrait elle évoluer vers un monde meilleur ?

 

 

 

 En conclusion, l'auteur examine la place que doit prendre la morale dans la société, celle ci est crée par les besoins de la société mais elle pourrait venir  nuire à son bon fonctionnement si elle prenait une forme exagérée. Une société de saints ne pourrait prospérer et disparaitrait rapidement dans un monde dominé par des rapports de force.  On peut toutefois s'interroger sur la place d'un idéal moral qui semble complètement disparaitre chez Durkheim et sans lequel aucun progrès moral de l'humanité n'est possible.