HLP / PHILOSOPHIE HISTOIRE ET VIOLENCE
SYNTHESE DU COURS
L’Histoire humaine est marquée par la violence depuis ses origines, celle-ci se manifeste sous des formes multiples : guerres, crimes, oppressions, persécutions, mais aussi violences symboliques ou institutionnelles. On peut définir la violence comme un usage excessif ou abusif de la force, qu’elle soit physique, psychologique, ou sociale. Contrairement à la simple force ou à la contrainte légitime, la violence déborde, détruit, brise les limites posées par le droit, la morale ou la raison.
Le XXe siècle, en particulier, a été marqué par une explosion sans précédent des violences collectives : deux guerres mondiales, des génocides, des conflits idéologiques et des violences de masse, au point que certains historiens parlent d’un « siècle de fer et de sang ». [1] Mais pourquoi la violence existe-t-elle ? Est-elle naturelle à l’homme ou est-elle le produit de la société et du développement historique des inégalités ? Peut-elle, dans certains cas, être considérée comme légitime, voire nécessaire au nom d’une cause jugée juste ? Enfin, la violence a-t-elle joué un rôle dans le progrès historique ou n’est-elle qu’un symptôme tragique de l’échec de la civilisation ? Ces questions invitent à interroger le lien complexe et ambigu entre violence et histoire.
I. La violence dans l’histoire : un constat descriptif
La violence traverse toute l’histoire humaine, mais ses formes et son intensité ont varié selon les époques. Le XXe siècle, en particulier, se distingue par des phénomènes de violence d’une ampleur et d’une intensité inédites.
1.1. Les phénomènes de violence au XXe siècle
Si l’on constate, grâce aux travaux de l’historien Norbert Elias dans La civilisation des mœurs, (1939), une diminution progressive des violences interindividuelles (duels, vendettas, crimes de sang) – rendue possible par le monopole de la violence légitime par l’État et par le processus de civilisation des comportements – on observe en revanche une augmentation spectaculaire des violences collectives.
Le XXe siècle est ainsi marqué par une explosion des violences de masse : deux guerres mondiales, de nombreuses guerres civiles, la multiplication des conflits étatiques et coloniaux, ainsi
que par des violences dirigées contre les populations civiles (bombardements, déportations, famines organisées, terreur d’État).
C’est également à cette période que s’impose la notion de génocide, définie en 1944 par Raphael Lemkin comme la destruction planifiée, partielle ou totale, d’un groupe humain en raison de son
appartenance ethnique, religieuse ou nationale (Shoah, génocide arménien, Rwanda…).
Face à cette violence qui dépasse les limites de la raison, la littérature et la philosophie se sont emparées du sujet pour en rendre compte, mais aussi pour en interroger le sens. Ainsi, Si c’est un homme de Primo Levi (1947) témoigne de la déshumanisation et de la souffrance extrême vécues dans les camps de concentration. La Peste d’Albert Camus (1947) met en scène l’irruption de l’absurde que suscite la violence, tout en rappelant la nécessité de lutter sans relâche contre ses causes. D’autres écrivains, tels qu’Erich Maria Remarque dans À l’Ouest, rien de nouveau (1929) ou Romain Gary dans La Promesse de l’aube (1960), évoquent la violence de la guerre et la difficulté de transmettre l’expérience traumatique qu’elle laisse.
Les philosophes, de leur côté, voient dans cette explosion de violence une véritable crise de la raison et du sens. Theodor W. Adorno et Max Horkheimer, dans La Dialectique de la raison (1944), dénoncent les dérives d’une rationalité instrumentale qui, loin d’émanciper l’Homme, peut devenir un moyen de destruction. Hannah Arendt, dans Les Origines du totalitarisme (1951), analyse l’émergence d’une violence bureaucratisée et impersonnelle, et développe l’idée de « banalité du mal » pour expliquer comment des individus ordinaires peuvent commettre des actes extrêmes par simple obéissance.
Enfin, cette démesure de la violence conduit à s’interroger sur ses causes profondes. Paul Ricoeur, dans Histoire et vérité (1955), distingue les explications sociales, psychologiques et idéologiques de la violence, mais met en garde contre le risque de justifier celle-ci en la ramenant à une nécessité historique ou à des déterminismes extérieurs. Selon Ricoeur, il demeure essentiel de ne jamais dissoudre la responsabilité individuelle dans des explications globales, sous peine de rendre impossible toute critique ou résistance à la violence.
La question de l’origine de la violence traverse la réflexion philosophique. Pour certains penseurs, elle serait profondément ancrée dans la nature humaine. Ainsi, Thomas Hobbes, dans Le Léviathan (1651), décrit l’être humain comme animé par la peur, le désir de puissance et la rivalité. Selon lui, l’« état de nature » – c’est-à-dire la situation de l’homme avant l’instauration de la société – est un état de guerre de tous contre tous. Dans cette situation « l’homme est un loup pour l’homme » : la violence est alors perçue comme une conséquence inévitable de la condition humaine tant que des institutions politiques n’imposent pas l’ordre.
Freud, quant à lui, aborde la question sous un angle psychologique. Dans Malaise dans la civilisation (1930), il affirme que l’agressivité fait partie des pulsions fondamentales de l’être humain. Même si la culture et la société s’efforcent de canaliser, de refouler ou de sublimer cette violence, celle-ci ne disparaît jamais complètement. Elle subsiste sous des formes diverses, parfois dissimulée, parfois réactivée par des crises individuelles ou collectives.
À l’opposé de l’analyse de Hobbes, Jean-Jacques Rousseau propose, dans son Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les hommes (1755), une vision radicalement différente de la nature humaine. Selon Rousseau, l’homme à l’état de nature est fondamentalement pacifique et animé par deux principes : l’amour de soi (le souci de sa propre conservation) et la pitié (la répugnance à voir souffrir autrui). Dans cette condition originelle, la violence et la guerre sont quasi inexistantes, car l’homme ne cherche ni à dominer ni à nuire à son semblable.
Pour Rousseau, c’est l’apparition de la société, et surtout la naissance des inégalités – en particulier avec l’instauration de la propriété privée – qui bouleversent cet équilibre naturel. Dès lors qu’un individu affirme « Ceci est à moi », il introduit la jalousie, la rivalité, la convoitise et la défense de ses possessions. C’est à partir de ce moment que les conflits, la violence et la guerre se généralisent. Rousseau souligne ainsi que les institutions politique loin de pacifier spontanément les relations humaines, peuvent aussi être à l’origine de nouvelles violences, liées à l’injustice et à l’inégalité.
Une troisième approche invite à distinguer clairement la violence de l’agressivité. Si l’agressivité existe potentiellement chez l’homme, comme une réaction naturelle, instinctive et parfois nécessaire à la survie, la violence, quant à elle, suppose le passage à l’acte et l’usage abusif ou destructeur de la force. C’est avant tout le contexte social qui va jouer un rôle déterminant dans la transformation ou la canalisation de cette agressivité.
La violence n’est donc ni entièrement inscrite dans la nature humaine, ni purement produite par la société : elle résulte de l’interaction complexe entre les dispositions fondamentales de l’être humain et le contexte historique, culturel et social dans lequel il évolue.
On trouve cette idée chez la criminologue américaine Joan Mc Cord, elle distingue elle aussi l’agressivité – « une disposition naturelle, parfois nécessaire à l’adaptation » – de la violence, qui constitue « le passage à l’acte, souvent conditionné par le contexte social et éducatif ». Dans ses travaux, Joan Mc Cord insiste : « Si l’agressivité appartient à la nature humaine, la société a le pouvoir d’en faire soit un ressort d’émulation, soit une source de violence destructrice. » (Joan McCord, “Agression and Violence”, in Social Psychology of Aggression, 1988).
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La question de la légitimité de la violence pour défendre une cause jugée juste, telle que la liberté ou l’égalité, traverse toute l’histoire politique et philosophique. De nombreux mouvements révolutionnaires ou luttes de libération, que ce soit la Révolution française, les indépendances coloniales ou les résistances face à l’oppression, ont eu recours à la violence pour combattre des régimes jugés illégitimes et instaurer des sociétés plus justes. Cette stratégie repose sur l’idée que la fin — la conquête de la liberté, l’émancipation, la justice — peut parfois justifier l’emploi de moyens violents.
La question de la légitimité de la violence pour défendre une cause juste se pose particulièrement dans le contexte des luttes de décolonisation. Le psychiatre et essayiste Frantz Fanon, dans Les Damnés de la Terre (1961), analyse la violence comme une réponse à la violence coloniale : pour Fanon, la violence des colonisés contre le colonisateur est un moyen de se réapproprier leur humanité et de briser le système d’oppression. Il écrit :
« La violence qui a présidé à l’arrangement du monde colonial, la violence qui assure la pérennité de cet ordre, se verra opposer, à son tour, la violence des colonisés. »
Fanon considère que, dans certaines circonstances, la violence est inévitable et même libératrice, permettant aux opprimés de reprendre le contrôle de leur destin. Cependant, il reste conscient des dangers et des ambiguïtés de ce recours à la violence : la lutte violente porte en elle le risque de reproduire la logique de domination qu’elle entend abolir.
Cependant, ce raisonnement pose un problème moral majeur : la violence, même au service d’une noble cause, ne risque-t-elle pas de se retourner contre cette cause elle-même ? N’y a-t-il pas un danger que l’usage de la violence, au lieu de libérer, reproduise la logique d’oppression qu’il prétend combattre ?
Albert Camus, dans L’Homme révolté (1951), s’interroge justement sur ce paradoxe. Il écrit :
« Il est permis de se demander si la violence, en s’emparant d’une cause, ne la salit pas irrémédiablement, même si cette cause est
juste. »
Pour Camus, il existe un risque que le recours à la violence, sous prétexte de justice ou de libération, conduise finalement à trahir les idéaux initiaux et à instaurer une nouvelle forme
d’oppression.
Ainsi, la réflexion sur la fin et les moyens impose de ne jamais dissocier les valeurs que l’on défend des méthodes que l’on utilise, au risque de voir la violence corrompre le projet d’émancipation qu’elle prétend servir.
Face à la tentation de justifier la violence au nom d’une cause supérieure, certains penseurs et leaders politiques ont choisi une voie radicalement opposée : la non-violence. Figures emblématiques de cette approche, Gandhi en Inde et Martin Luther King aux États-Unis ont fait de la non-violence non seulement une méthode de lutte politique, mais aussi une exigence éthique fondamentale. Pour eux, il ne suffit pas de défendre une cause juste : il faut que les moyens employés soient en cohérence avec les valeurs recherchées. Utiliser la violence, même au service de la justice ou de l’émancipation, risquerait en effet de trahir le but poursuivi en perpétuant le cycle de la haine, de l’oppression et de la répression.
La non-violence s’est ainsi construite sur l’idée que la résistance peut prendre la forme de la désobéissance civile, une action collective qui refuse, de manière pacifique, de se soumettre à des lois jugées injustes. Ce concept a été formulé pour la première fois par l’écrivain américain Henry David Thoreau dans son essai Civil Disobedience (1849). Thoreau soutient que chaque individu a le devoir moral de désobéir aux lois qui heurtent sa conscience et bafouent la justice. Gandhi reprend l’idée de résistance non violente dans le cadre de la lutte pour l’indépendance de l’Inde, ainsi que Martin Luther King, qui les a appliquées lors du mouvement pour les droits civiques aux États-Unis.
Gandhi, dans ses écrits et dans son action, affirme que « la fin est dans les moyens comme l’arbre est dans la semence » : il n’y a pas de véritable liberté ni de paix durable qui puisse être obtenue par la force ou la destruction. De même, Martin Luther King s’oppose fermement à la violence lors du mouvement des droits civiques, persuadé que « la non-violence n’est pas une soumission passive au mal, mais une lutte active pour la justice ». Tous deux considèrent la non-violence comme une force morale, capable non seulement de résister à l’injustice, mais aussi de transformer les adversaires et de réconcilier les sociétés divisées.
Cependant, cette stratégie n’est pas sans poser de questions. Peut-elle être efficace face à une violence extrême ou à un pouvoir qui refuse tout dialogue ? La non-violence exige du courage, de la discipline et une foi profonde dans l’humanité, mais elle implique aussi l’acceptation du risque, du sacrifice, et parfois même de l’échec apparent. En définitive, le choix de la non-violence et de la désobéissance civile invite chacun à réfléchir au lien intime entre les moyens employés et la société que l’on souhaite faire advenir.
La réflexion sur le rôle de la violence dans l’histoire ne se limite pas à la dénonciation de ses effets destructeurs : plusieurs grands penseurs ont cherché à comprendre comment, paradoxalement, la violence a pu contribuer au progrès de l’humanité.
Pour Emmanuel Kant, la violence n’est pas seulement un mal, elle joue aussi un rôle dans la dynamique du progrès humain. Dans l’« Idée d’une histoire universelle d’un point de vue cosmopolitique » (1784), Kant introduit le concept d’« insociable sociabilité » : il montre que la coexistence humaine est marquée par une tension entre la tendance à s’associer et celle à s’opposer. Cette « discorde sociale » pousse les hommes à se dépasser, à sortir de la paresse ou du confort, et à instituer des règles communes, du droit et des institutions pour limiter la violence et organiser la coexistence. Kant écrit ainsi :
« L’insociable sociabilité des hommes, c’est-à-dire leur tendance à entrer en société, liée toutefois à une répugnance constante à s’y
plier pleinement, est la cause de l’ordre civil et du progrès. »
La violence, loin d’être simplement destructrice, devient alors le moteur du développement des sociétés, en obligeant les individus à élaborer des formes de régulation et de justice.
Hegel, dans sa Phénoménologie de l’esprit (1807), va plus loin en considérant que la violence fait partie intégrante de la dialectique historique. Selon Hegel, l’histoire avance à travers des conflits, des luttes de reconnaissance et des affrontements entre forces opposées. Ce qu’il appelle la « négativité » – c’est-à-dire le choc, la contradiction, la destruction – est le moteur du changement :
« La violence, ce négatif qui opère dans l’histoire, fait naître l’esprit libre et l’autonomie. »
Ainsi, pour Hegel, la violence est inévitable dans le processus d’émancipation : elle provoque des ruptures qui permettent à l’humanité de franchir de nouvelles étapes vers la
liberté.
Enfin, Karl Marx, dans Le Manifeste du parti communiste (1848) et dans Le Capital (1867), analyse l’histoire humaine comme celle de la lutte des classes, c’est-à-dire des affrontements entre groupes sociaux antagonistes, dominants et dominés. Pour Marx, la violence révolutionnaire n’est pas une aberration : elle est parfois nécessaire pour renverser un ordre injuste et permettre l’avènement d’une société plus égalitaire. Il affirme :
« La violence est la sage-femme de toute vieille société qui en porte une nouvelle dans ses flancs. » (Le Capital, livre I,
1867)
La violence, selon Marx, est donc un instrument de l’histoire qui rend possible le passage à un nouvel ordre social, même si elle comporte toujours des risques de dérive ou de reproduction de
l’oppression.
Ainsi, ces trois auteurs, à partir de perspectives différentes, montrent que la violence, bien qu’elle soit à l’origine de souffrances et de destructions, a aussi contribué à façonner les sociétés, à accélérer leur transformation et, parfois, à ouvrir la voie à de nouveaux progrès.
L’histoire contemporaine a montré que l’idéologie d’un « sens de l’histoire » ou d’une prétendue « fin de l’histoire » pouvait justifier une violence sans limites. Lorsqu’un régime politique ou un mouvement prétend incarner la nécessité historique, il se donne le droit d’employer tous les moyens, y compris les plus extrêmes, pour faire advenir un avenir jugé meilleur ou plus « rationnel ». Les totalitarismes du XXᵉ siècle ont ainsi revendiqué la légitimité de leurs violences au nom de la marche inéluctable de l’Histoire : l’URSS stalinienne, l’Allemagne nazie, ou la Chine maoïste ont tous perpétré des crimes de masse au nom d’un avenir glorieux, en considérant la violence comme un simple « instrument du progrès ». Cette conception, dénoncée par Hannah Arendt dans Les Origines du totalitarisme (1951), fait du sens (but) de l’Histoire un absolu qui efface toute limite morale.
Ce mécanisme de justification idéologique aboutit à des purges, à des exterminations ciblées, et à des massacres organisés. Le massacre de Katyn (1940) en est un exemple tragique : dans la forêt de Katyn, des milliers d’officiers polonais et d’intellectuels furent exécutés par la police politique soviétique (NKVD), sur ordre de Staline. Ce crime fut longtemps nié par l’URSS, qui chercha à réécrire l’histoire en accusant d’abord les nazis, puis en justifiant l’acte comme une « nécessité » dans le processus de construction du socialisme. Il s’agissait d’éliminer ceux qui étaient perçus comme des « ennemis de classe » ou des obstacles au projet idéologique. Cet épisode illustre comment la violence politique peut être rationalisée et légitimée par une vision téléologique (finaliste) de l’histoire, transformant la terreur en devoir historique.
Mais cette logique ne s’arrête pas à la violence physique : elle implique aussi une violence contre la mémoire et l’histoire elle-même. En réécrivant le récit des événements, en dissimulant ou en déformant les faits, les régimes totalitaires commettent une violence symbolique qui prive les victimes de leur reconnaissance et empêche les sociétés de faire un véritable travail de deuil et de justice.
Ce processus s’exprime de manière aiguë à travers le révisionnisme et le négationnisme historique. Le révisionnisme consiste à réinterpréter les faits passés dans le but de minimiser ou de justifier les violences commises, alors que le négationnisme va plus loin, en niant purement et simplement l’existence même des crimes, comme cela a pu être observé avec la négation de la Shoah par certains idéologues. Ces pratiques ne sont pas de simples débats d’historiens : elles constituent une nouvelle forme de violence, symbolique et politique, car elles effacent les souffrances, empêchent la reconnaissance des victimes et compromettent la possibilité d’une « justice mémorielle » nécessaire pour bâtir une paix durable.
Comme l’a montré Paul Ricoeur dans La Mémoire, l’histoire, l’oubli (2000), toute falsification ou instrumentalisation de l’histoire porte atteinte à la dignité des personnes, et prépare le terrain à de nouvelles violences. Le devoir de mémoire s’impose alors comme une exigence éthique, pour résister à la tentation de justifier l’injustifiable au nom du progrès ou de l’histoire.
Réfléchir à la violence dans l’histoire, c’est donc s’interroger sur la condition humaine et sur le devenir des sociétés. Si la violence semble parfois inévitable, voire constitutive de l’histoire, elle n’en demeure pas moins un défi moral et politique majeur. Comprendre ses causes, ses mécanismes et ses effets, c’est refuser de la banaliser ou de la justifier. L’histoire montre que la violence, même au service de causes nobles, porte toujours le risque de détruire ce qu’elle prétend défendre. À l’inverse, l’émergence d’idéaux non violents ou de structures institutionnelles capables de canaliser les passions humaines suggère qu’un progrès est possible. Entre nécessité et scandale, la violence invite l’humanité à inventer sans cesse de nouveaux chemins pour conjurer sa propre autodestruction, et pour faire de l’histoire un espace de justice, de mémoire et de réconciliation.
Concepts et notions dans l’ordre d’apparition dans le cours :
Histoire - double sens :
1/ L’histoire : récit du passé : reconstitution, interprétation et transmission des événements par les historiens. (ex . Un livre d’histoire)
2/ L'ensemble des événements du passé , les faits eux-mêmes, indépendamment de leur connaissance ou interprétation. Ex : L’Histoire de l’Humanité. C'est ce sens qu'utilisent les philosophes et penseurs comme Kant, Hegel, Marx.
Violence :
Usage excessif ou abusif de la force, physique, psychologique ou symbolique, visant à contraindre, blesser, dominer ou détruire.
Agressivité : Disposition naturelle ou instinctive de l’être humain à se défendre ou s’imposer.
Force : Capacité à agir, à imposer sa volonté. La force peut être légitime ou non, selon le contexte (force de la loi, force physique).
Guerre : Conflit armé entre groupes organisés (États, nations, groupes sociaux), caractérisé par la violence collective.
Génocide : Extermination planifiée et systématique d’un groupe humain en raison de son origine, sa religion, son ethnie, etc. (concept défini par Raphael Lemkin).
Shoah : Mot hébreu signifiant « catastrophe », utilisé pour désigner l’extermination systématique de six millions de Juifs par le régime nazi pendant la Seconde Guerre mondiale. Symbole de la violence de masse, du génocide et de la nécessité du devoir de mémoire.
Monopole de la violence légitime
Notion selon laquelle l’État détient le droit exclusif d’user de la violence (Max Weber).
Insociable sociabilité
Concept de Kant désignant la tension entre le besoin de vivre en société et le désir d’indépendance individuelle.
Négativité
Chez Hegel, principe du conflit, de la contradiction et du dépassement, moteur du changement historique.
Lutte des classes
Chez Marx, opposition structurelle entre classes sociales antagonistes (bourgeoisie/prolétariat), moteur de l’histoire.
Banalité du mal
Concept d’Hannah Arendt désignant le caractère ordinaire et administratif du mal dans les régimes totalitaires.
Rationalité instrumentale
Chez Adorno et Horkheimer, raison réduite à l’efficacité, susceptible de devenir un instrument de domination ou de destruction.
Non-violence
Doctrine ou stratégie qui refuse le recours à la violence, même pour une cause juste (Gandhi, Martin Luther King).
Désobéissance civile
Refus public, pacifique et assumé de se soumettre à une loi jugée injuste (Thoreau, Gandhi, King).
Révolution
Transformation brutale et radicale d’un ordre social ou politique, souvent accompagnée de violence.
Révisionnisme
Réinterprétation tendancieuse ou minimisation des faits historiques, souvent pour atténuer la gravité de crimes ou de violences.
Négationnisme
Négation délibérée de l’existence du génocide des juifs la seconde guerre mondiale.
Violence symbolique
Forme de domination ou d’oppression qui passe par le langage, les normes ou les représentations (Pierre Bourdieu).
Mémoire collective
Ensemble des souvenirs partagés par une société, qui orientent la façon dont le passé est compris, transmis, reconnu ou occulté.
Responsabilité individuelle
Capacité de chacun à répondre de ses actes, y compris dans un contexte de pression collective ou idéologique.
Justice mémorielle
Reconnaissance et réparation symbolique envers les victimes d’actes de violence ou d’oppression.
[1] Johann Chapoutot, Le Grand XXᵉ siècle (PUF, 2016)