Cours sur l’histoire.

 

 

L’histoire renvoie soit au récit des événements du passé soit au cours des événements eux-mêmes (on écrira dans ce cas le mot avec une majuscule). L’histoire  c’est le récit, l’Histoire représente les événements eux-mêmes.

Cela permet de formuler une première problématique est ce que l’histoire nous apprend l’Histoire (c'est-à-dire ce qui s’est réellement produit). A quelle conditions l’histoire peut elle nous instruire sur les événements du passé ?

 

 D’un côté cette  connaissance semble utile,  nécessaire même pour comprendre la société présente et permettre aux hommes de progresser. Schopenhauer écrit :

 

« L’histoire est pour l'espèce humaine ce que la raison est pour l'individu.  Grâce à sa raison, l'homme n'est pas renfermé comme l'animal dans les limites étroites du présent visible;[grâce à l’histoire] il connaît encore le passé infiniment plus étendu, source du présent qui s'y rattache: c'est cette connaissance seule qui lui procure une intelligence plus nette du présent et lui permet même de formuler des inductions pour l'avenir. » 

 

 

L’histoire  présente cependant par son objet même des difficultés particulières qui pourraient même aller jusqu’à faire douter de son authenticité. Machiavel  souligne :

 

« On ne connaît jamais la vérité tout entière sur le passé.  On cache le plus souvent les événements qui déshonoreraient un siècle ; et quant à ceux qui sont faits pour l'honorer, on les amplifie, on les raconte en termes pompeux et emphatiques.

 

Ces incertitudes peuvent avoir de lourdes conséquences. Ainsi le révisionnisme historique prétend « réécrire l’histoire » sous prétexte qu’il n’y a pas de vérité absolue. Cette volonté de réécrire l’histoire en fonction d’intérêts idéologiques porte atteinte à la vérité et à la mémoire des hommes. On peut citer ici les idées négationnistes selon lesquels les chambres à gaz n’ont pas jamais exister.

 

Face à ces difficultés, les historiens eux mêmes ont cherché à établir des principes et des règles permettant de réduire le risque d’interprétation erronée. 

 

 

I Les difficultés de la connaissance historique

 

A/ Etablissements des faits -  C’est le premier travail de l’historien.

 

Le faits passés ne sont connus qu’indirectement par le récit, le témoignage des hommes or ce témoignage est il fiable ?  Comment faire confiance à un récit que nous devoir croire sans possibilité de vérification directe ?

L’historien dira t-on ne se fonde pas sur un seul témoignage mais sur une mémoire collective   Cependant, celle ci est-elle plus solide que la mémoire individuelle ?  N’y a-t-il pas un risque d’oubli, de  mensonge, de déformation ?  Les faits ne sont ils pas amplifiés ou déformés par l’imagination. Les hommes aiment inventer des mythes, des légendes qui sont d’ailleurs nécessaires à la cohésion et à l’identité du groupe social.

Ainsi la mémoire collective n’est pas forcément une source sûre.   Il doit s’appuyer sur des éléments plus tangibles (des documents, des rapports).

 

 

 

Les documents historiques

Des difficultés apparaissent également à ce niveau : pour les périodes anciennes,  les documents qui ont subsisté au temps sont parfois peu nombreux et il peuvent être falsifiés.  « L’histoire est toujours écrite par les vainqueurs » écrit Machiavel. Ainsi les vaincus disparaissent deux fois ; physiquement et aussi historiquement car toutes les traces de leurs élimination sont supprimés.

 

L’établissement des faits est difficile pour les périodes anciennes mais contrairement à ce qu’on pourrait croire, il n’est pas forcément plus facile pour les périodes modernes.  Ce qui est ignoré aujourd’hui sera t-il mieux connu demain ? D’autre part la surabondance des informations obligent l’historien à opérer une sélection : quel événement devra t-il considérer comme historique ?

L’événement historique est celui qui bouleverse, transforme le monde mais cet événement n’est-il pas lui même produit par d’autres causes.

On peut  alors poser la question : quand commence véritablement un événement et quand se termine t-il ? La révolution Française  a t-elle durée une journée  (le 14 juillet, anniversaire de la prise de la bastille) ou bien a t-elle durer bien plus longtemps si on recherche ses causes immédiates et si on  prend  en compte toutes les conséquences ?

Ainsi l’historien ne peut se contenter des fais, d’ailleurs ils sont trop nombreux pour être tous relatés, il doit donc en choisir certains au jugés plus significatifs. C’est à ce niveau qu’intervient le problème de l’interprétation. 

 

 

B/ La question de l’interprétation

 

L’historien ne se limite pas à nous apprendre des dates. Ce n’est peut être pas le  but le plus important de l’histoire.  Elle veut nous en faire comprendre les causes profondes. Donner des explications. Comprendre les relations entre les événements.  Il faut donc que l’historien fasse une interprétation. Tel événements est le facteur qui est la cause de cet autre événement. Il doit faire ressortir des événements par rapports à d’autres.

Il doit donc faire des choix et des interprétations.   Comment s’assurer que l’interprétation que donne  l’historien est fidèle aux événements ?

 

1ère difficulté :

 

L’historien appartient à une époque avec ses  idées et les valeurs de son temps alors que les événements passés doivent être compris avec les idées et les valeurs de  l’époque. Ne risque t-on pas une sorte d’anachronisme dans les explications ?

 

Peut-on comprendre objectivement les événements et leurs causes lorsqu’on les juge à la lumière de valeurs différentes de celles qui les ont influencés ?

S’il juge avec les valeurs de son temps, l'historien risque de déformer l’histoire.

 

2nd  difficulté

 

L’historien peut aussi se laisser aller à juger avec des valeurs personnelles et  risque d'interpréter l'histoire avec des critères « individuels » ou «sentimentaux » ( antipathie ou sympathie envers tel ou tel personnage) voire politique.

Ex : histoire idéologique : tendance historique qui reconstruit l'histoire à la lumière de théories politiques.  Ainsi l’interprétation marxiste de la Révolution française.

 

 « Robespierristes, anti-robespierristes, nous vous crions  grâce : par pitié, dites nous simplement quel fut Robespierre », Marc BLOCH , Apologie pour l’histoire.

 

Ainsi pour limiter ces dérives, les historiens eux-mêmes se sont fixés des règles à respecter. On appelle historiographie la réflexion sur les méthodes et les démarches à suivre dans l’établissement du fait historique.

 

 

 

II/  La recherche d’une objectivité

 

Les méthodes:

 

N'ayant pas directement connaissance du fait historique, l'historien fait un effort de critique pour tenter d'établir des faits en séparant le faux du vraisemblable: il confronte les témoignages et les sources pour parvenir à la plus grande objectivité.

- La critique externe s'exerce sur la forme des documents (provenance, restitution du texte primitif), en utilisant des sciences auxiliaires: statistiques, datation au C14, épigraphie comme étude des inscriptions, héraldique comme science des blasons, paléographie comme étude des écrits anciens, archéologie.

- La critique interne, du sens, du contenu, de l'esprit des documents, cherche le degré de sincérité et de compétence des témoins, la concordance des témoignages et leur indépendance.

- La méthode donne à l'histoire une rigueure qui la différencie de la simple interprétation subjective.  Cependant pour comprendre les événements historiques dont les acteurs sont des hommes . Ne faut il pas faire appel à une certaine forme de subjectivité ?

 

III La question de la subjectivité de l’historien

 

Il faut distinguer deux sens du terme subjectivité :

 

a)  La subjectivité : sens négatif : étudié qu’un seul aspect des événements ou des problèmes (c’est subjectif = chacun son point de vue). Voir les choses selon une seule perspective. Bien sûr l’historien doit éviter cette subjectivité. Il doit limiter autant que possible cette forme de subjectivité par un effort d’honnêteté. Eviter d’être impliquée affectivement par l’événement et par la  connaissance des valeurs de la société présentes pour ne pas les projeter

 

 

Mais il y a un autre sens du mot subjectivité qu’il ne faut pas abandonner quitte à ne plus pouvoir bien comprendre l’histoire qui résulte des motivations humaines.

 

 

B) La subjectivité représente dans un second sens  les différents éléments qui constituent l’humain. C’est-à-dire les sentiments, les émotions, les affects  raisonnements.  Cette subjectivité est importante :

 

Les hommes agissent pour atteindre un but. Si l’on veut comprendre le sens d’un événement, il faut pouvoir comprendre leurs intentions, l’état d’esprit du moment, ce qui motive les hommes. 

En effet : En histoire une petite cause peut avoir de grands effets (assassinat d’un homme à guerre).  L’historien ne peut comprendre cela qu’à partir de sa subjectivité. 

 

L'historien doit pouvoir comprendre et mettre en évidence les motivations des hommes, les causes profondes des événements.  Il lui faut donc sortir de la pure objectivité  pour entrer dans l’ombre des sentiments et de l’irrationnel humain.  Il se voit donc obligé d’utiliser d’une certaine manière sa subjectivité.  Mais comment  doit-il user celle-ci de manière à ce que au  lieu de nuire à la compréhension de l’histoire, elle rende cette compréhension plus aisée ?

 

 

L'historien doit mettre en jeu sa capacité d'éprouver des sentiments, à se mettre à la place des acteurs de l'histoire de manière à comprendre pourquoi ils ont agi de telle ou telle manière.  S'il vent comprendre, l'historien doit entrer dans une  communication rétrospective avec les hommes du passé et il doit être à leur écoute.

 

On peut parler de  « sympathie » au sens étymologique envers les hommes du passé, attitude qui consiste à tenter d'éprouver les mêmes sentiments (sympathie vient du grec « sun » avec, et pathein « éprouver » ; le terme peut être traduit par « éprouver les mêmes sentiments que quelqu’un »).

 

L’historien  a donc pour tâche difficile de s’impliquer en tant qu’être humain tout en s'effaçant  en tant qu’individu.  Il doit savoir éprouver des sentiments sans mettre en avant les siens propres.  Ainsi  le bon historien serait donc celui qui sait mettre en retrait sa personne en impliquant son humanité.

 

Mais dans ce travail : L’historien peut aussi buter sur une difficulté : les motivations sont devenues inaccessibles et invérifiables  puisque passées, les motivations humaines sont souvent irrationnelles.

 

 

Conclusion :   L’histoire est elle une science ?

 

 

L’histoire n’est pas une science exacte au même titre que  la physique  par exemple : en effet il est impossible d’établir des lois universelles et nécessaires car l’histoire ne se répète pas (ou pas exactement dans les mêmes conditions).  Cependant l’histoire n’est pas une simple fiction sur le passé dans la mesure où elle s’impose  une méthode  rigoureuse. Celle-ci comporte deux aspects :   établir  les faits avec la plus grande objectivité possible.  Indiquer les causes qui expliquent les faits. Il doit donc à ce niveau chercher à entrer dans la compréhension des motivations humaine, et pour cela  faire appelle à sa subjectivité, une subjectivité épurée de tout partis pris personnels ou idéologiques. C’est à ces conditions  que l’histoire peut apporter à l’homme une connaissance fiable qui à défaut de lui donner les moyens de prévoir l’avenir apporte une meilleure compréhension du temps présent, condition de tout progrès futur