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                  LE COURS 

               

 

               LE  QUIZZ




          PLAN DU COURS


I /     Quelle est l'origine de la morale ?

1.       La morale est acquise:

 a.       L'éducation des parents  - Freud

 b.       Les règles de la société  -  Durkheim

c.      Ces règles ont elles une valeur relative            ou absolue ?

2.       La morale est innée 

 a.       La conscience « instinct divin » -Rousseau

 b.       Le sentiment naturel : la compassion

3        Une origine rationnelle - Kant

a.       La raison fixe une règle morale

b.       L’impératif catégorique et les impératifs hypothétiques

c.     Les formulations de l’impératif catégorique

d.        Actions faites par devoir et conformes au devoir

 II/ Les théories morales :  la morale déontologique, le conséquentialisme, l’utilitarisme

  1.La morale déontologique :  Kant

  2. Le conséquentialisme :  Constant

  3 .L’utilitarisme : Bentham

 

   III / Les jugements sur la morale

   1 .Valorisation de la morale

  a . Utile pour la société – Bergson

  b. Bénéfique pour l’individu- Socrate, Platon

  2. Les critiques de la morale

   a :  Morale et violence - Nietzsche

   b : Morale et domination  - Marx 

 

                                     LE DEVOIR ET LA MORALE

                        

 Introduction

 

 La vie des Hommes en société est dirigée par des règles qui orientent leurs actions et guident leurs choix . La conduite  humaine est donc en cela différente de celle d'un animal  dont le comportement suit  les seules lois de la nature en obéissant à son instinct.  Plus précisément , on peut distinguer trois types de règles susceptibles de guider la conduite humaine: 

 

      -          Les règles juridiques, les lois  (fixées par l'Etat)

      -          Les règles religieuses (fixées par les religions)

      -          Les règles morales (fixées par la société et/ou par la  conscience                  des individus).

 

 Ces règles déterminent des devoirs pour l'individu dans la mesure où premièrement il est tenu de les respecter alors qu'il pourrait ne pas le faire (la désobéissance est possible contrairement aux lois naturelles) et secondement parce que ces règles peuvent aussi s'opposer à ses désirs voire à ses intérets. 

 

Comment peut alors expliquer  qu'une majorité de personnes se conforment à ces règles ? Est ce seulement la peur d'une sanction qui les déterminent ?  Cette question est encore plus présente pour les règles morales car si l'on se conforme aux règles de droits, c'est souvent par peur des sanctions (amendes, prison) . De même on pourrait obéir aux lois religieuses  dans l'optique d'une récompense (le paradis) et par peur d'une sanction (enfer).  En revanche les règles morales ne concernent, semble t-il, que l'individu et sa conscience. Comment expliquer qu'il se conforme aux règles morales? 

 

   Revenons tout d'abord à la définition de la morale :

La morale:   l’ensemble des règles qui font la différence entre le bien et le mal.

 

L'existence de règles morales soulèvent plusieurs questions.

 

1/ Quelle est l’origine de l’obligation morale ? Les règles morales ont-elles uniquement une origine sociale ou bien d’autres sources peuvent -elles être trouvées ?

 

2/ Quelles sont les conséquences de l’obligation morale ?  Plus particulièrement, quels sont les liens entre les règles morales et la liberté d’un côté et le bonheur de l’autre ?

  



    Références et documents

               


Cette vidéo présente la notion de morale en général et la morale Kantienne en particulier.


Sigmund Freud (1856-1939)


Emile Durkheim (1858-1917)

"Toutes les fois où nous délibérons pour savoir comment nous devons agir, il y a une voix qui parle en nous et qui nous dit : voilà ton devoir. Et quand nous avons manqué à ce devoir qui nous a été ainsi présenté, la même voix se fait entendre, et proteste contre notre acte. Parce qu'elle nous parle sur le ton du commandement, nous sentons bien qu'elle doit émaner de quelque être supérieur à nous ; mais cet être, nous ne voyons pas clairement qui il est ni ce qu'il est.. C'est pourquoi l'imagination des peuples, pour pouvoir s'expliquer cette voix mystérieuse, dont l'accent n'est pas celui avec lequel parle une voix humaine, l'imagination des peuples l'a rapportée à des personnalités transcendantes, supérieures à l'homme, qui sont devenues l'objet du culte, le culte n'étant en définitive que le témoignage exté­rieur de l'autorité qui leur était reconnue. Il nous appartient, à nous, de dépouiller cette conception des formes mythiques dans lesquelles elle s'est enveloppée au cours de l'histoire, et, sous le symbole, d'atteindre la réalité. Cette réalité, c'est la société. C'est la société qui, en nous formant moralement, a mis en nous ces sentiments qui nous dictent si impérativement notre conduite, ou qui réagissent avec cette énergie, quand nous refusons de déférer à leurs injonctions. Notre conscience morale est son œuvre et l'exprime ; quand notre conscience parle, c'est la société qui parle en nous. Or, le ton dont elle nous parle est la meilleure preuve de l'autorité exceptionnelle dont elle est investie."

 

Durkheim, L'éducation morale 

 

 

 

 

 

 

"Plaisante justice qu'une rivière borne, vérité en deçà des Pyrénées, erreur au-delà"

Blaise Pascal


Jean Jacques Rousseau (1717-1778)



Conscience ! Conscience ! Instinct divin, immortelle et céleste voix ; guide assuré d'un être ignorant et borné, mais intelligent et libre ; juge infaillible du bien et du mal, qui rends l'homme semblable à Dieu, c'est toi qui fais l'excellence de sa nature et la moralité de ses actions ; sans toi je ne sens rien en moi qui m'élève au-dessus des bêtes, que le triste privilège de m'égarer d'erreurs en erreurs à l'aide d'un entendement sans règle et d'une raison sans principe. Grâce au ciel, nous voilà délivrés de tout cet effrayant appareil de philosophie : nous pouvons être hommes sans être savants ; dispensés de consumer notre vie à l'étude de la morale, nous avons à moindres frais un guide plus assuré dans ce dédale immense des opinions humaines. Mais ce n'est pas assez que ce guide existe, il faut savoir le reconnaître et le suivre. S'il parle à tous les cœurs, pourquoi donc y en a-t-il si peu qui l'entendent ? Eh ! C’est qu'il parle la langue de la nature que tout nous a fait oublier. La conscience est timide, elle aime la retraite et la paix ; le monde et le bruit l'épouvantent ; les préjugés dont on l'a fait naître sont ses plus cruels ennemis [...], il en coûte autant de le rappeler qu’il en coûta de la bannir. 

Rousseau Emile ou de l'Education

         Explication complète du texte ici 

 

 

Discours sur l'origine et les fondements de l'inégalité parmi les Hommes 

 

La pitié est un sentiment naturel, qui modérant dans chaque individu l'activité de l'amour de soi-même, concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir ; c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix ; c'est elle qui détournera tout sauvage robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère pouvoir trouver la sienne ailleurs ; c'est elle qui, au lieu de cette maxime sublime de justice raisonnée : Fais à autrui comme tu veux qu'on te fasse, inspire à tous les hommes cette autre maxime de bonté naturelle bien moins parfaite, mais plus utile peut-être que la précédente : Fais ton bien avec le moindre mal d'autrui qu'il est possible. C'est, en un mot, dans ce sentiment naturel, plutôt que dans des arguments subtils, qu'il faut chercher la cause de la répugnance que tout homme éprouverait à mal faire, même indépendamment des maximes de l'éducation.

 

Rousseau, Discours sur l'origine de l'inégalité.

Explication complète du texte


Emmanuel Kant  (1724-1808)





Texte manuscrit de Kant

"Tu dois donc tu peux" KANT


Je laisse de côté les (1) actions qui sont au premier abord reconnues contraires au devoir, bien qu'à tel ou tel point de vue elles puissent être utiles; car pour ces actions jamais précisément la question ne se pose de savoir s'il est possible qu'elles aient eu lieu par devoir, puisqu'elles vont même contre le devoir. Je laisse également de côté les actions qui sont réellement (2) conformes au devoir, pour lesquelles les hommes n'ont aucune inclination immédiate, qu'ils n'en accomplissent pas moins cependant, parce qu'une autre inclination les y pousse. Car, dans ce cas, il est facile de distinguer si l'action conforme au devoir a eu lieu par devoir ou par vue intéressée. Il est bien plus malaisé de marquer cette distinction dès que l'action est conforme au devoir, et que par surcroît encore le sujet a pour elle (a) une inclination immédiate. Par exemple, il est sans doute conforme au devoir que le débitant n'aille pas surfaire le client inexpérimenté, et même c'est ce que ne fait jamais dans tout grand commerce le marchand avisé; il établit au contraire un prix fixe, le même pour tout le monde, si bien qu'un enfant achète chez lui à tout aussi bon compte que n'importe qui. On est donc loyalement servi; mais ce n'est pas à beaucoup près suffisant pour qu'on en retire cette conviction que le marchand s'est ainsi conduit par devoir et par des principes de probité; son intérêt l'exigeait, et l'on ne peut pas supposer ici qu'il dût avoir encore par surcroît pour ses clients une inclination immédiate de façon à ne faire, par affection pour eux en quelque sorte, de prix plus avantageux à l'un qu'à l'autre. Voilà donc une action qui était accomplie, non par devoir, ni par inclination immédiate, mais seulement dans (b) une intention intéressée.

 

(3) Au contraire, conserver sa vie est un devoir, et c'est en outre une chose pour laquelle (a) chacun a encore une inclination immédiate. Or c'est pour cela que la sollicitude souvent inquiète que la plupart des hommes y apportent n'en est pas moins dépourvue de toute valeur intrinsèque et que leur maxime n'a aucun prix moral. Ils conservent la vie conformément au devoir sans doute, mais non par devoir. En revanche, que des contrariétés et un chagrin sans espoir aient enlevé à un homme tout goût de vivre, si le malheureux, à l'âme forte, est plus indigné de son sort qu'il n'est découragé ou abattu, s'il désire la mort et cependant conserve la vie sans l'aimer, non par inclination ni par crainte, mais (b) par devoir, alors sa maxime a une valeur morale.

 

Kant, Fondements de la métaphysique des mœurs (1785) trad. V. Delbos, Delagrave, 1965, pp. 94-96.

 

 Articles à lire :

 

                                I/ Quelle est l’origine de la morale ? 

 

 La conscience morale de l’individu a-t-elle pour origine les règles sociales qui ont été intériorisées ou bien existe-t-il d’autres sources ?  Respectons nous ces règles uniquement par conformisme ou pour d'autres raisons ? 

 

 1 / La morale est acquise :

 

 On peut penser que la conscience morale d’un individu est acquise par l’intériorisation des normes et valeurs de la société. Cette idée est mise en avant par les études conduites en sciences humaines comme la psychanalyse et la sociologie. 

 

A/ L’éducation des parents :

 

Freud soutient que l'éducation des parents apportent à l'enfant les principes de la morale.  L’enfant intériorise très jeune les interdits parentaux qui  forment donc  la conscience morale de l’individu.

 Dans les termes de la psychanalyse fondée par Freud, ces interdits forment le  surmoi  qui joue un rôle important dans le psychisme: siégeant dans l'inconscient, il constitue une barrière qui se dresse contre des pulsions incompatibles avec les exigences morales. (voir le cours sur l'inconscient, en particulier la 2ème topique)

 

 B/ Les règles de la société :

 

Selon Durkheim, l’un des fondateurs de la sociologie, l’éducation parentale n’est que le relais des règles sociales.  Ici c’est la société tout entière qui constitue la source des règles morales qui sont intériorisées par l’individu. La force de ces règles viennent alors de la société tout entière. 

  Durkheim écrit en évoquant la « voix de la conscience »: « quand notre conscience parle, c’est la société qui parle en nous ».

 

 Les règles intériorisées paraissent à l’individu d’autant plus légitimes qu’elles seront plus largement suivies par les autres membres du groupe social (le rôle des exemples est très important).  Elles pourront même paraître « naturelles » au fil du temps faisant presque disparaître leurs origines sociales.

 

Lorsqu’elles sont intériorisées, les règles ne semblent plus constituer de limite à la liberté, du moins d’un point de vue subjectif car n'on pas envie de faire ce qui est interdit.

 

C/ Ces règles ont-elles une valeur relative ou absolue ?

 

Si la morale est par essence sociale , on  en déduit que les valeurs qu’elle transmet sont relatives aux sociétés et à leurs époques confirmant l’adage courant : « autre temps, autres mœurs ».   Ce que nous jugeons « mal » pourrait-il alors être considéré comme « bien » dans un autre groupe social ou à une autre époque ?       Existe-t-il des normes morales universelles ? Comment peut-on les établir ?

 

 

Pour échapper au relativisme moral, il faudrait être en mesure de trouver une autre source à morale.  Cela reviendrait aussi à distinguer les mœurs (manière de vivre propre à un groupe social) de la morale à proprement parler qui aurait alors une portée beaucoup plus générale voire universelle.

 

 2/Une origine naturelle : la thèse de Rousseau    

 

On peut émettre l’hypothèse que l’Homme peut trouver en lui-même les règles morales indépendamment des règles de la société. C’est d’ailleurs pour cette raison que l’individu peut parfois se « révolter » contre des normes sociales qu’il juge alors injuste.

 

On peut prendre pour référence à la thèse de Rousseau. Celui-ci  soutient que les principes de la morale sont innés. Il fait d’abord référence à une conviction religieuse.

  

a/ La conscience, instinct divin

 Dans son œuvre l’Emile ; il écrit au sujet de la conscience morale :  « conscience, conscience, instinct divin, guide infaillible d’un être ignorant et borné ».

 

Cette formule insiste sur le fait que tout Homme malgré toutes ses imperfections (soulignées par les termes : « ignorant », « borné ») peut trouver en lui-même des principes moraux s’il sait écouter la « voix de sa conscience » sans se laisser influencer par les préjugés de la société

 

b / Le sentiment naturel : la compassion  

 

Cette idée apparaît sous un autre angle dans le  Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les Hommes.

  Rousseau   soutient qu’il existe dans le cœur de l’Homme un sentiment naturel qu’il nomme la pitié et dont le sens se rapproche de ce que l’on nomme de nos jours compassion (du latin : cum patior, « je souffre avec »).

 

 La morale se rapporte cette fois à une forme de sensibilité qui fait « se sentir mal » quand on voit une autre personne souffrir. Il s’agit ici d’un phénomène d’identification aux autres.  L’Homme qui ressent ce sentiment s’abstiendrait de faire du mal et pourrait même venir en aide à celui qui souffre.

 

Rousseau écrit:

 

"Il  est donc certain que la pitié est un sentiment naturel, qui, modérant dans chaque individu  l'activité de l'amour de soi-même concourt à la conservation mutuelle de toute l'espèce. C'est elle qui nous porte sans réflexion au secours de ceux que nous voyons souffrir: c'est elle qui, dans l'état de nature, tient lieu de lois, de mœurs et de    vertu, avec cet avantage que nul n'est tenté de désobéir à sa douce voix: c'est elle qui détournera tout sauvage  robuste d'enlever à un faible enfant, ou à un vieillard infirme, sa subsistance acquise avec peine, si lui-même espère  pouvoir trouver la sienne ailleurs" (…) Discours sur l’origine et les fondements de l’inégalité parmi les Hommes

 

Ce sentiment naturel constitue pour Rousseau l’origine des règles morales toutefois plusieurs objections peuvent être mentionnées contre sa thèse: comment expliquer en effet qu’il existe autant de cruauté dans les actions de l’Homme s’il existe vraiment un sentiment de compassion traduisant la « bonté naturelle » ?

 

  La réponse de Rousseau tient à son analyse de la société qui « corrompt » la nature originelle de l’Homme :  le développement de la société accentue les différences et elle rend plus difficile l’identification avec les personnes appartenant à un groupe social différent.

Toutefois la thèse de Rousseau présuppose que la nature originaire de l’Homme est « bonne » mais comment le prouver ?  Est-il alors possible de trouver une norme morale universelle sans admettre ce présupposé ?

                

3 / La morale fondée sur la raison : thèse de Kant

 

 a : la raison fixe une règle morale :

 Kant soutient que la raison est capable de fixer par elle-même une règle morale « la raison pure est pratique ». En effet, l’Homme est capable de réfléchir par lui-même, il peut trouver dans sa propre raison la norme de son action. 

 

Kant utilise l’expression impératif catégorique pour désigner la règle morale fixée par la raison.

b : l’impératif catégorique et les impératifs hypothétiques

 

-L’idée d’impératif est liée à l’idée d’un ordre, d’une injonction, d’un commandement. La raison ordonne à l’Homme d’accomplir un acte. Elle énonce une loi.

- Le terme catégorique permet à Kant de hiérarchiser les directives de la raison en deux registres :

Les impératifs hypothétiques :  ces sont des impératifs de l’habileté, ou de la prudence. La raison en effet permet de trouver les moyens pour atteindre certains buts. Dans ce cas, la raison ne s’intéresse pas à la valeur de ces buts mais seulement aux moyens de les réaliser.

 

 Imaginons une personne qui désire s’enrichir.  Sa raison peut l’aider à trouver différents moyens pour réaliser ce but. (si tu veux t’enrichir alors paye tes dettes, si tu veux t’enrichir alors travaille, si tu veux t’enrichir alors il faut faire des économies, rechercher  des bons placements…) cependant le fait de s’enrichir n’est pas en soi un but qu’on est obligé de rechercher, cela reste « conditionnel ».

 

L'impératif catégorique désigne un ordre inconditionnel , une injonction  qui prend la forme du « tu dois » dont l’autre versant est l’interdit :  « tu ne dois pas » .   La raison fixe ici le but à réaliser et non pas les moyens.

 

Reprenons l’exemple de la personne qui souhaite s’enrichir, elle pourrait trouver des moyens comme voler, escroquer, participer à un trafic d’être humain...  La loi morale fixée par la raison se dresse contre ce type d’action. Elle érige un interdit qui n’est pas « négociable ».  (Mais comme tout interdit celui-ci peut être transgressé).

 Mais quels sont les interdits fixés par la raison ?

Kant ne fixe pas une liste de commandements mais énonce une règle générale que tout à chacun peut découvrir dans sa raison. Cette règle consiste à universaliser son action comme on va le voir.

 

c : Les formulations de l’impératif catégorique

  La première formulation de l’impératif catégorique met en avant l’universalité de l’action :

         « Agis uniquement d'après la maxime qui fait que tu puisses vouloir en même temps qu'elle devienne une loi universelle. » 

(Une maxime désigne une règle de conduite)

 Kant propose une règle simple pour savoir si l’action est morale ou pas. On doit se demander si on pourrait vouloir que tout le monde agisse comme on souhaite le faire.   Si on ne voudrait pas que tout le monde agisse comme nous, alors l’action n’est pas morale.

 De manière plus simple, Kant reprend  l’idée commune selon laquelle : il ne faut pas faire aux autres ce qu’on ne voudrait pas qu’ils nous fassent toutefois cette formulation reste trop subjective et manque de rigueur, c’est pourquoi Kant la reformule dans des termes plus précis.

 

Kant insiste sur la contradiction logique qui apparaît lorsque l’action n’est pas morale : Certaines actions se « contredisent » si on les universalise.

 Kant, prend l’exemple d’une personne qui emprunterait de l’argent tout en sachant qu’il ne pourra pas rembourser.  Il suffit alors de se demander ce qui se passerait si tout le monde faisait cela. Bien évidemment plus personne ne prêterait d’argent. En universalisant l’action, on découvre qu’elle se « contredit ».

 De même, on souhaite parfois mentir pour échapper d’un embarras mais que se passerait-il si tout le monde mentait tout le temps ?  Le mensonge lui-même ne serait plus possible.

Kant précise le sens l’impératif catégorique avec une seconde formule qui met davantage en avant cette idée de respect des personnes.

 Agis de façon telle que tu traites l'humanité, aussi bien dans ta personne que dans toute autre, toujours en même temps comme fin, et jamais simplement comme moyen.

 

La seconde formule de l’impératif catégorique met en avant le respect de la personne humaine : il s’agit de traiter autrui comme une fin en soi et non comme un moyen. IL n’est pas moral de traiter les autres personnes et même sa propre personne comme un simple moyen ; l’esclavage est l’exemple extrême dans lequel l’autre devient qu’un simple moyen.

 

Enfin,  la troisième formulation de l’impératif catégorique met en avant l’autonomie. La loi morale est une règle de conduite que l’on doit trouver dans sa propre raison : il ne s’agit pas d’obéir un la loi de l’Etat ou à une autorité extérieure. En obéissant à la loi morale, l’Homme ne fait qu’obéir à lui-même. Il est autonome (auto= soi-même ; nomos = loi) et préserve ainsi une forme de liberté.

 

d : Action conforme au devoir et action faites par devoir

 

Il faut souligner que pour Kant la moralité de l’action dépend de la « cause » pour laquelle elle est réalisée ce qui le conduit à distinguer les actions conformes au devoir et les actions faites par devoir.

 

Kant prend un exemple pour faire comprendre cette distinction : un vendeur honnête rend correctement la monnaie à un enfant qu’il pourrait facilement duper. Son action est-elle morale ?

 Tout dépend pour Kant de la raison pour laquelle cette action a été réalisée. Extérieurement, c’est une action conforme à la morale mais si le commerçant a été honnête pour s’attirer une bonne réputation et favoriser son commerce alors son action n’est pas véritablement morale. Elle n’est pas faite par devoir.  En revanche, si la personne est honnête sans autre raison que le respect de la loi morale alors son action a dans ce cas un caractère véritablement moral. Son action est  faite par devoir.  Il n’est donc pas évident de savoir si les actions des hommes sont vraiment morales car les « intentions » restent cachées.

 

 On a vu que Kant cherche à établir une morale parfaitement rationnelle qui énonce un principe universel fondé sur le respect de la personne humaine mais cette règle est-elle vraiment applicable dans toutes les situations ? Son aspect « formel » ne la rend elle pas aveugle à certaines situations particulières ? Agir moralement a-t-il toujours de bonnes conséquences ?


 

      II / Les théories  morales :   Morales déontologiques , conséquentialistes et utilitaristes

 

              Benjamin Constant est l’un des premiers auteurs à souligner les risques de la morale Kantienne en prenant l’exemple du mensonge. Si l’on suit la morale Kantienne, il est immoral de mentir (car on ne peut pas universaliser le mensonge) pourtant dans certaines situation cette position semble intenable selon Constant. Il prend l’exemple d’assassins qui poursuivraient un de nos amis qui aurait trouvé refuge dans notre maison. Faudrait-il trahir notre ami en disant la vérité s’ils nous demandaient où il se cache ?  Une bonne intention pourrait-elle avoir de fâcheuses conséquences ?

 

 Pour agir moralement, il faudrait donc prendre en compte les conséquences des actes plutôt que les « grands principes » or c’est l’expérience et non la « raison pure » qui peut nous aider dans ce cas.

 

Deux types de conceptions morales s’esquissent alors : les morales qui énoncent des règles, des principes. On peut les nommer les morales déontologiques et les morales qui prennent surtout en compte les conséquences. On peut les nommer les morales conséquentialistes.

  

 1/ La morale déontologique  - Kant

 

            La morale de Kant est l’illustration d’une morale déontologique car elle fixe des principes qu’il faut suivre da façon inconditionnelle pour que l’action soit considérée comme morale. Ainsi Kant considère par exemple qu’il ne faut pas mentir si l’on veut agir moralement quelle que soit la situation.  Ce qui compte, c’est la pureté de l’intention et non les conséquences qui peuvent survenir.

  

 D’ailleurs Kant répond aux critiques de Benjamin Constant dans son texte intitulé d'un Prétendu droit de mentir par humanité. [voir résumé]. Un des arguments consiste à souligner qu'il est impossible pour l'Homme de prévoir  toutes les conséquences de nos actions.  Pour illustrer cette idée, il s' « s’amuse » à présenter des variantes à la situation imaginée par Constant.

Imaginons que notre ami soit lui-même un dangereux criminel ? Ne nous rendrions nous pas complice des crimes qu'il s'apprête à commettre en le protégeant ?  Imaginons encore que, pendant que nous parlions à ces personnes, notre ami ait pris la fuite par une fenêtre, n'allons nous pas précipiter sa perte en ne laissant pas entrer ces personnes chez nous ce qui aurait donner à notre ami plus de temps pour fuir ?  Le mensonge qui devait sauver notre ami pourrait très bien précipiter sa perte. 

Ainsi dès que l'on ment, on porte la responsabilité de ce qui peut se produire.

 

Pour Kant, il faut s’en tenir uniquement aux principes car l’Homme n’est pas omniscient, il ne peut jamais connaître toutes les situations ni toutes les conséquences à plus ou moins long terme de ses actions.  Il se rapproche ainsi d’une certaine manière des positions morales fondées sur la religion (qui énonce des principes qu’il faut appliquer de façon inconditionnelle comme le célèbre : « Tu ne tueras pas » qui fait partie des dix commandement.)   

 

 

 

[Un film intéressant qui illustre cette position  « Tu ne tueras point » de Mel Gibson] 

 


Attention, ce film comporte des images susceptibles de choquer la sensibilité du spectateur (guerre, violence).


       

2/Les morales conséquentialistes – Constant

 

Les morales qualifiées de « conséquentialistes » examinent les répercussions des actions pour décider si elles sont bonnes ou mauvaises.  Mais qu’est- ce qu’une bonne ou mauvaise conséquence ? Intuitivement dans l’exemple de Constant : la bonne conséquence, c’est de sauver notre ami et la mauvaise serait de le faire tuer.   Les morales conséquentialistes doivent donc établir au préalable ce qui est « bien ».  Elles peuvent soit l’établir en se fondant sur l’opinion commune (comme c’est le cas chez Constant) , soit chercher à établir le « bien » sur une base plus rationnelle.

 

3) L’utilitarisme-  Bentham

 

L’utilitarisme est l’une des conceptions morales conséquentialistes les plus élaborées. Elle est développée par Jérémy Bentham et par John Stuart Mill.

  

a : Qu’est ce que  « le bien » et  « le mal » pour l’utilitarisme ?

  

Le point de départ de Bentham est l’observation des actions humaines. Bentham constate qu’il existe un écart important entre les paroles et les actes. En parole les Hommes disent qu’il ne faut pas mentir, qu’il faut être honnête, juste  mais en pratique, ils agissent différemment n’hésitant  pas à transgresser ces principes quand leurs désirs ou intérêts prédominent .  Ce que recherchent vraiment les Hommes, c’est principalement à obtenir tout ce qui contribue à leur apporter du plaisir  au sens large (physique, moral, esthétique…) ce qui revient à dire qu'ils recherchent le bonheur.

 

On peut donc en déduire que le bien pour l’Homme ce sont toutes les choses qui sont utiles pour se procurer du plaisir et atteindre le bonheur – (des biens matériels, des liens sociaux, des ressources intellectuelles). En revanche le « mal » désigne tout ce qui prive l’Homme de ce qui lui est utile et qui le fait souffrir.

 

 

b : Qu’est ce que l’action morale pour l’utilitarisme ?

  

A présent que les idées de « bien » et de « mal » sont précisées, l’action morale pourra être définie comme celle qui apporte le plus grand bonheur au plus grand nombre. En d’autres termes, l’action morale   maximise l’utilité (c’est-à-dire celle qui donne le plus d’avantage au plus grand nombre). 

 

Prenons un exemple (actuel) : une personne dérobe un rétroprojecteur  dans une salle de classe. Ce vol apporte un avantage pour une seule personne (le voleur qui pourra l’utiliser ou le revendre) mais ce vol pénalise tous les élèves de cette salle de classe qui ne peuvent plus l’utiliser.  Cette action est jugée comme « mauvaise » puisque le profit d’un seul s’est fait au détriment de plusieurs autres personnes.

 

A l’inverse une « bonne action » sera celle qui procure des avantages aux plus grands nombres de personnes.

 

[Notons au passage que Bentham ne dit pas que voler est mal en soi mais que dans ce cas l’action est mauvaise car elle fait « un heureux » pour plusieurs « malheureux ».   Bentham suppose aussi que les hommes sont égaux et donc que le bonheur d’un homme est équivalent à celui d’une autre personne.]

 

 

 

C : Le dilemme du tramway :

 

 

 

  Pour mieux comprendre la position de l’utilitarisme ; on peut prendre un exemple célèbre :  le dilemme du tramway.  Imaginons qu’un tramway soit hors de contrôle et arrive à l’embranchement d’un aiguillage. Sur l’une des voies, il n’ y a qu’un seul ouvrier qui travaille, sur l’autre voie un groupe de personnes. Il n’y a aucun moyen d’arrêter le train ni aucun moyen d’avertir les ouvriers. Cependant il est possible d’actionner un aiguillage pour diriger le train sur l’une des deux voies.

 

Selon la logique de l’utilitarisme, il faudrait actionner l’aiguillage pour limiter le nombre de victime mais cette solution oblige à sacrifier une personne car l’utilité du plus grand nombre compte plus que l’utilité du plus petit nombre.  


Benjamin Constant (1767-1830)


 

Le principe moral que dire la vérité est un devoir, s'il était pris de manière absolue et isolée, rendrait toute société impossible. Nous en avons la preuve dans les conséquences directes qu'à tirées de ce dernier principe un philosophe Allemand qui va jusqu'à prétendre qu'envers des assassins qui vous demanderaient si votre ami qu'ils poursuivent n'est pas réfugié dans votre maison, le mensonge serait un crime (...).
  Je prends pour exemple le principe moral que je viens de citer, que dire la vérité est un devoir.
  Ce principe isolé est inapplicable. Il détruirait la société. Mais, si vous le rejetez, la société n'en sera pas moins détruite, car toutes les bases de la morale seront renversées.
  Il faut donc chercher le moyen d'application, et pour cet effet, il faut, comme nous venons de le dire, définir le principe.

Dire la vérité est un devoir. Qu'est-ce qu'un devoir ? L'idée de devoir est inséparable de celle de droits : un devoir est ce qui, dans un être, correspond aux droits d'un autre. Là où il n'y a pas de droits, il n'y a pas de devoirs. Dire la vérité n'est donc un devoir qu'envers ceux qui ont droit à la vérité. Or nul homme n'a droit à la vérité qui nuit à autrui.
  Voilà, ce me semble, le principe devenu applicable. En le définissant, nous avons découvert le lien qui l'unissait à un autre principe, et la réunion de ces deux principes nous a fourni la solution de la difficulté qui nous arrêtait.
  Observez quelle différence il y a entre cette manière de procéder, et celle de rejeter le principe. Dans l'exemple que nous avons choisi, l'homme qui, frappé des inconvénients du principe qui porte que dire la vérité est un devoir, au lieu de le définir et de chercher son moyen d'application, se serait contenté de déclamer contre les abstractions, de dire qu'elles n'étaient pas faites pour le monde réel, aurait tout jeté dans l'arbitraire. Il aurait donné au système entier de la morale un ébranlement dont ce système se serait ressenti dans toutes ses branches. Au contraire, en définissant le principe, en découvrant son rapport avec un autre, et dans ce rapport le moyen d'application, nous avons trouvé la modification précise du principe de la vérité, qui exclut tout arbitraire et toute incertitude.


 Benjamin Constant, "Des réactions politiques", 1797, Chapitre VIII, in La France de l'an 1797 


Des vidéos  pour approfondir les connaissances - 

Cours de l'université de Génève


Une présentation de l'utilitarisme selon la perspective politique



  Le dilemme du tramway

 

On voit très nettement avec cet exemple la différence entre la morale déontologique de Kant et la morale utilitariste.

 

 Si l’on suit la morale de Kant, on ne devrait pas sacrifier une personne  car « on ne doit pas tuer » et en actionnant le levier on est responsable de la mort d’une personne. Pour un utilitariste au contraire, on doit actionner le levier car il faut mieux sauver plusieurs personnes même si on doit en « sacrifier » une.

 

 Ce dilemme semble « très abstrait » pourtant certaines situations réelles rejoignent  ces hypothèses théoriques.    Les ingénieurs par exemple doivent programmer des voitures autonomes qui devront « prendre une décision » en cas d’accident et de chocs inévitables avec des piétons. Faut il privilégier la vie de conducteur de la voiture ou d’un groupe de piétons se trouvant sur la route ?

 

  d/ Limite de l’utilitarisme

 

On comprend que l’utilitarisme soulève de nombreuses questions et  suscite d’importants débats car en refusant de définir des   « valeurs absolues », il pourrait même ouvrir la voie à des idées (et/ou pratiques) qui semblent « indéfendables ».

  Imaginons à présent  qu’une famille immigrée vienne s’installer dans un immeuble dans lequel toutes les familles déjà installées sont racistes.  Cela contribuerait à la satisfaction de toutes ces familles racistes de voir la famille immigrée être expulsée.  Or   en suivant la logique de l’utilitarisme, la satisfaction d’un grand nombre de personne doit passer avant la satisfaction de quelques-unes.  Ce serait donc « bien » d’expulser cette famille immigrée pour faire le bonheur du plus grand nombre.  Prenons un exemple plus extrême encore:

Que penser des combats de gladiateurs ?  (que l'on peut remettre au goût du jour comme le montre le film Hunting game)  Le sacrifice de quelques uns  pourrait faire plaisir à un très grand nombre de personne ...

 Cependant de telle pratique contraire aux respect de la personne humaine ne sont clairement immorales et il semble donc qu'une limite doivent être fixée à l'utilitarisme.  

  

Ainsi on constate qu’il n’ y pas de théorie morale parfaite. La morale fondée sur l'intention -morale dire  déontologique- pourrait aboutir à des conséquences désastreuses  ( l'enfer est pavé de bonne intentions). ex: dire la vérité en toute circonstance en dénonçant ses parents par exemple ses parents à des tueurs. 

A l'inverse la morale utilitariste poussée à l'extrême pourrait justifier le sacrifice d'une personne pour le bonheur du plus grand nombre... 

 

  

II / La valeur de la morale

  

 Le rôle et la valeur de la morale restent sujet à débats quand on considère ses conséquences sur la société et l’individu.  

 

 1 La valorisation de la morale :

  

  A/  Utile pour la société

 

La morale a une fonction sociale de premier plan comme l’indique Bergson dans les deux sources de la morale et de la religion. Elle facilite la cohésion ; les échanges et la bonne entente entre les individus ; les bonnes actions crée une réciprocité qui induit un cercle vertueux.  Ne pas tuer, ne pas voler, tenir ses promesses seraient les conditions d’une vie sociale harmonieuse

 

 

B/ Bénéfique pour l’individu 

 

 

On peut souligner aussi l’intérêt de la morale sur l’individu qui pourrait grâce aux règles morales contrôler ses désirs et maitre de ses décisions.  C’est d’ailleurs dans cette perspective du perfectionnisme moral que Socrate affirme qu’être injuste envers les autres, c’est en vérité nuire à soi-même. 

  

Toutefois cette approche de la morale peut être remise en question quand on prend en compte d’autres aspects de la morale.

 

  2 Les critiques de la morale

  

  A/ Morale et violence

 

Nietzsche critique la morale judéo-chrétienne  (qui est encore largement présente aujourd’hui en occident) en particulier dans son œuvre: La généalogie de la morale. 

Il soutient que cette morale crée de la souffrance morale, de la culpabilité, une condamnation des plaisirs de la vie. C'est en outre par une violence psychologique que cette morale a été imposée.  

 La morale crée une « mauvaise conscience » et l’idée de culpabilité devient dominante ; les plaisirs sont considérés comme des pêchés.

 

 

 La violence peut aussi se déchainer contre ceux qui n’ont pas une attitude qui n'est pas conforme aux attentes du groupe. Cette violence se donne alors le visage de la bonne conscience qui lutte contre des gens immoraux.

 

 

 

B/ Morale et domination

 

  Marx dénonce une morale imposée par les dominants pour mieux aliéner les opprimés. Ainsi la forte valorisation du travail présente dans la morale judéo-chrétienne avantage les dominants qui exploite les travailleurs. Cette critique de la morale se redouble d’une critique de la religion sur laquelle elle repose.  

 

 Conclusion :

 

 

 La valeur que l’on accorde à la morale dépend finalement d'un système de valeur déjà présent depuis notre enfance:  la question initiale forme donc un cercle.  Pour évaluer la morale, il faut déjà posséder une norme morale.  Pour sortir ce ce cercle, il est donc nécessaire à chacun de réfléchir par soi même aux normes morales et d'élaborer sa propre éthique.

 

Mais peut on avoir ses propres règles de vie lorsqu'on vit en société ?

 

 

 

 

 

 

 

Un exposé très clair et précis de l'utilitarisme chez Bentham et Mill


Dans ce cours, on trouve une bonne présentation des idées de Nietzsche sur la morale.


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