Analyse de la  seconde méditation

 

Introduction

 

La méthode de Descartes dans la seconde Méditation est une démarche réflexive, Descartes n’abandonne pas tout de suite le doute mais en réfléchissant sur le doute lui-même parvient à prendre conscience de nouvelles idées. C’est comme si l’on était en présence d’un « dédoublement » de la conscience : d’un côté il y a le moi qui doute et d’un autre côté le moi qui observe ce moi qui doute.

 

Ce regard intérieur porté sur soi nous est familier puisqu’il s’agit du rôle de la conscience lorsque nous réfléchissons en nous-mêmes sur nos pensées ou nos actes ce qui permet  d’accéder à une pensée de « second niveau.  En résumé, la seconde méditation est placée sous la lumière d’une conscience qui fait retour sur elle-même. C’est la pensée de la pensée.

 

Le premier objet de la réflexion sera le doute lui-même puis la nature du moi qui pense et enfin ce qu’est véritablement  la connaissance.

 

 

 

1/ Du doute à la certitude : la découverte du Cogito première vérité incontestable [Début àconçoit ou prononce en mon esprit]

 

 A/ Reprise des arguments du doute :

 

Descartes repart (§1) au point où il en était resté dans  la première méditation, à savoir un doute profond dans lequel est  maintenant plongé, un doute abyssal qui le déstabilise complètement (image de la noyade, il perd pied) mais en même temps  apparaît de nouveau la résolution de Descartes pour continuer à avancer comme ce promeneur qui , perdu au milieu d’une forêt , prend néanmoins la décision de continuer d’avancer car il sait que c’est sa seule chance de sortir de cette situation difficile.  Mais la question subsiste : Peut- on échapper au doute ?

 

Comme le doute est construit de façon méthodique, Descartes sait que s’il conduit sa démarche à son terme, il pourra au moins aboutir à la certitude que l’homme ne peut rien connaître, certitude négative  mais certitude tout de même (contrairement au sceptique qui doutant du bien-fondé du doute lui-même se garde d’affirmer que l’homme ne peut rien connaître mais se contente comme Montaigne de poser la question : Que sais-je ?). Ainsi   Descartes n’abandonne pas sa démarche mais compte la poursuive jusqu’à son terme et  « Poursuivre ce chemin ».

 

 Cependant tout en continuant ce chemin, il conserve en même temps l’espoir d’aboutir à une certitude positive s’il pouvait lever le doute comme on lève un poids très lourd grâce à une poulie fixée sur un point fixe très solide. Cette métaphore Descartes l’empreinte à Archimède  (§2) qui soutient qu’il serait possible de soulever  la terre entière si l’on pouvait la fixer à un point suffisamment solide.  Si l’on transpose cette image d’un poids qu’on soulève au doute que rencontre Descartes cela signifie qu’il faut trouver une évidence si forte qu’elle soit capable de lever le doute.

 

Mais où trouver cette évidence ?  Descartes a remis en cause toutes les connaissances de l’Homme,  d’abord l’évidence sensible c’est-à-dire  ce que nos sens nous fait percevoir de façon claire et distincte  (comme la chaleur du feu qui réchauffe les mains) avec l’argument du rêve.

 

Il a ensuite remis en doute l’évidence rationnelle (ce que notre raison nous présente comme évident comme l’idée que la ligne droite est le plus court chemin entre deux points) avec l’argument du malin génie.  Dès lors, il semble qu’il n’y ait plus aucune connaisse certaine puisque celles qui sont les plus certaines ont été remises en doute.

 

Descartes n’a d’autres possibilités que de reprendre le doute et de l’approfondir. (§3) D’où la reprise des arguments du doute de façon volontaire (je suppose, je me persuade) et examiner ses conséquences. Mise en suspend de la réalité matérielle.  Descartes se demande s’il n’y a pas encore d’autres connaissances que celles qu’il vient de rejeter :  « Mais que sais-je s’il n’y a point quelque autre chose différente de celles que je viens de juger incertaines ».

 

 

 

B/ La question de l’origine du doute :

 

  S’arrêtant sur cette question, il en vient à présent à se questionner sur l’origine du doute lui-même :

 

La première hypothèse est que le doute vient de Dieu - .  N’ y –t-il point quelque Dieu ou quelques autres puissances  qui me met en l’esprit ces pensées ? Mais  cette hypothèse est rapidement écartée  car le doute étant plutôt perçue comme une imperfection, il n’est pas nécessaire de recourir à un être plus parfait que l’Homme pour en expliquer l’origine. L’idée implicite c’est que plus une chose est parfaite et plus son origine doit être parfaite. Le doute qui est une imperfection (manque de connaissance) peut donc très bien venir de l’Homme lui-même et non de Dieu.

 

La seconde hypothèse peut donc être retenue ; le doute vient de l’esprit de l’Homme lui-même  qui produit  ces pensées : « Car peut-être que je suis capable de les produire moi-même ».

 

Finalement en réfléchissant sur l’origine du doute , Descartes revient sur lui-même, il lui reste alors à s’interroger sur ce « moi » qui produit le doute.

 

C/ L’existence de la pensée

 

C’est alors que Descartes pose la question centrale du passage : Moi donc à tout le moins ne suis-je pas quelque chose ?

 

 Il reprend un à un les arguments du doute dans une sorte de dialogue intérieur, dans lequel il se fait ses propres objections. C’est un combat intérieur entre la volonté de douter et la volonté de parvenir à une certitude.  Le style de Descartes change de nombreuses questions surgissent.   Une certaine agitation apparaît en opposition au style « calme » et méthodique qui prédominait.  

 

Descartes repasse en revue tous les arguments qui l’on conduit à douter des choses extérieures pour les appliquer à lui-même , il doute alors même de son existence physique, du fait qu’il possède un corps et qu’il soit tel qu’il le voit.

 

Mais même en voulant douter de l’existence de toute chose, il ne peut nier qu’il est certain de penser puisque le doute est une pensée.  « Non certes j’étais sans doute si je me suis persuadé ou  seulement si j’ai pensé quelque chose »

 

Descartes reprend son argument le plus fort , celui du malin génie, ce dieu mal intentionné qui a une puissance infinie et qui peut se jouer de la pensée existe des hommes comme il le veut. Pourrait-il faire que je ne sois pas ?  

 

L’argument est simple ; s’il existe un dieu trompeur qui cherche à me tromper, c’est bien que j’existe même si je ne suis pas tel que je crois être.   « il n’ y a donc point de doute que je suis, s’il me trompe ; et qu’il me trompe tant qu’il voudra, il ne saurait jamais faire que je ne sois rien, tant que je penserai être quelque chose »

D/ L’existence du sujet pensant

Après ce long raisonnement Descartes parvient à la formulation de son intuition fondamentale : la proposition : « je suis, j’existe est nécessairement vraie toutes les fois que je la prononce ou la conçois en mon esprit ».

 Descartes  parvient ici à une évidence.  Tout au monde peut être faux sauf le fait qu’on  pense que c’est faux ; en d’autres termes la pensée ne peut pas être supprimée par la pensée. Plus on doute et plus il est certain qu’on doute, plus la conscience de douter apparaît de façon aiguisée.

Mais pourquoi Descartes n’a-t-il pas dit plus simplement comme dans le Discours de la méthode, « je pense donc je suis » ? Simplement pour éviter un piège. La conclusion « donc » est la conclusion d’un raisonnement or Descartes a mis en doute le raisonnement lui-même avec l’argument de l’erreur et du Dieu trompeur. Il a donc invalidé par avance toutes les conclusions logiques. Ce n’est donc pas sur une conclusion logique que Descartes peut affirmer cette première certitude). Il s’agit d’une intuition  (vision claire et distincte  de l’esprit et non dans une déduction), de la vision par l’esprit d’une évidence. L’existence du moi qui pense est certaine tant que l’on pense.

Descartes parvient ici à ce qui constitue pour lui la première certitude indubitable, l’évidence première qu’il recherchait et qui représente un nouveau point de départ pour la philosophie qu’il cherche à élaborer.  Il s’agit d’un point central qui permet à la fois pour Descartes de définir la vérité mais aussi d’en établir le fondement. 

E/Examen de la thèse de Descartes

Est –il  légitime d’affirmer notre existence à partir de la pensée ? Que se passe-t-il quand on ne pense plus par exemple ? Pour Descartes le terme pensée signifie être conscient.  Mais la conscience est- elle toujours présente en l’homme ? Est-on conscient quand on dort par exemple ? Pour Descartes la conscience « diminue » mais ne disparaît dans le sommeil sans quoi on ne pourrait pas se réveiller.  L’homme est toujours conscient bien qu’il ne s’en aperçoive pas toujours affirme Descartes. 

 

Le fait de penser nous assure-t-il l’existence ? Oui  pour Descartes mais l’existence en tant qu’être qui pense, c’est-à-dire en tant qu’esprit. L’existence physique , celle du corps, n’est pas encore prouvée, il faudra attendre que Descartes réhabilite la connaissance des sens pour cela.

 

Peut- on déduire l’existence du moi à partir de la pensée ?

 

Toute conscience est immédiatement conscience de soi. Lorsqu’on pense à une chose on relie immédiatement cette pensée à un « moi » qui la pense.   Intuitivement nous rattachons nos pensées ou nos actions  à un « moi » unique  et permanent. C’est ce que Descartes nomme la substance pensante. Cependant n’y a-t-il pas une forme d’illusion à croire que nous avons un moi unique et permanent qui reste le même au travers des changements ?

 

 C’est pourquoi des penseurs comme Kant refuserons de passer des représentations à l’existence d’un moi qui en serait distinct. La conscience sera alors définie exclusivement à partir de ses fonctions.

 

 

 

 

 

2/ La nature du moi, la distinction de l’âme et du corps

 

Si l’Homme existe en tant qu’être pensant, c’est qu’il possède un esprit. Descartes en effet va chercher à démontrer que le corps ne pense pas et donc que la pensée est attribut de l’esprit. Ainsi l’homme sera alors conçu comme l’union de deux substances distinctes ; l’esprit ou le corps. Descartes utilise le  terme d’âme en l’ayant lui  réduit aux fonctions de la pensée. On aboutit à ce qu’on nomme le dualisme. Pour Descartes l’Homme est à la fois corps et âme. 

 

 

 

Au terme de la deuxième méditation ; Descartes a découvert une première certitude : l’homme pense, et il existe. Pour penser il faut qu’il existe une chose qui pense, c'est-à-dire un esprit. Cet esprit est distinct du corps.