Cours: Comment définir la justice ?


                                                                            Plan du cours

Introduction : Les deux sens du terme.   ici

Première partie:  Quels sont les critères pour définir la justice   -ici

Deuxième partie:    Comment établir la justice.  ici

Troisième partie:   La notion de droitici

 


Introduction:  

Le terme justice comporte deux sens principaux qu'il faut distinguer.

 

La Justice lorsqu'on l'écrit avec une majuscule désigne l'institution chargée de sanctionner les infractions à la loi et plus largement de régler les différends (= les conflits, les litiges) entre les personnes. On fait alors référence  aux cours de Justice, aux tribunaux. Nous viennent alors à l'esprit  les images des avocats et de leurs plaidoiries; des juges en robes noirs qui rendent les verdicts...

 

Cependant la justice désigne aussi une qualité morale : c’est "la volonté constante et persistante de rendre à chacun ce qui lui est dû" [1]  ou en d'autres termes  de rendre à chacun ce qu’il mérite.  Ici la notion de justice dépasse de loin le cadre de l'institution judiciaire. Elle se trouve dans pratiquement tous les rapports sociaux : l'arbitre du match a t-il été vraiment impartial (sans parti pris) ou bien a t-il injustement favorisé une équipe ? Le salaire d'un haut dirigeant d'une entreprise est-il juste par rapport à son mérite ou ses efforts ? 

 

Notons que le problème de la justice se pose plus précisément dès qu'il s'agit de partage, de distribution entre les personnes. (Il peut s'agit de richesse, d'honneurs, de récompenses comme au contraire de peines, de tâches ou de charges). 

 

Mais revenons  à la Justice. Nous entendons souvent que les décisions de Justice sont injustes lorsqu'un verdict nous semble trop indulgent ou au contraire trop sévère. Certaines personnes soulignent la persistance d'inégalités face au système judiciaire, d'autres forgent des soupçons de partialité lorsque les personnes jugées sont influentes. 

 

 Mais toutes ces critiques supposent que l'on dispose d'un ou plusieurs critères qui permette(nt) d’évaluer ce qui est juste ou non. Lorsqu'un professeur de mathématiques indique à un élève que le résultat de son calcul n'est pas juste (faux, erroné), c'est bien parce qu'il connaît la bonne réponse. De même, lorsque nous disons qu'une  décision ou un acte est injuste, nous présupposons donc que nous avons la norme du juste et de l'injuste. Or, si nous avons tous intuitivement une idée de ce qui est injuste (punir un innocent par exemple), pouvons nous toujours formuler clairement ce qui est réellement juste. En effet, il n'est pas rare que l'on trouve injuste ce qui est simplement contraire à ses intérêts ou à ses préférences personnelles).

 

 Ainsi nous pouvons poser la question comment juger le juste et l’injuste ? Quels sont les critères dont nous pouvons disposer ?

  

1.Ulpien. Juriste romain. 

  • Pour vous dans quel domaine le problème de la justice se pose le plus ? 
  • Envoyez vos réponses, elles seront affichées en bas de page.

 

 

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                                      Première partie:  Définir la justice

 

Que voulons nous réellement dire lorsque nous employons le terme justice et injustice ? Existe t-il une ou plusieurs définitions de la justice et à laquelle nous référons nous ? 

 

 

 

1/ La conformité avec la loi : la légalité


La loi permet elle de définir le juste ?

 

On pourrait d'abord penser que ce qui est  juste est ce qui est conforme (ou respecte) la loi. D'ailleurs l'étymologie du mot juste vient du mot latin "jus" qui signifie précisément les règles de droit. Il suffirait alors de se conformer à la loi pour faire ce qui est juste. N'est ce pas d'ailleurs ce que pense "le bon citoyen" qui trouve injuste de voir une personne frauder ou ne pas respecter une loi ?

 

Ce point de vue est développé par Hobbes dans son ouvrage le Léviathan :

 

" Les désirs et les autres passions de l'Homme ne sont pas en eux-mêmes des péchés. Pas plus que ne le sont les actions qui procèdent de ces passions, jusqu'à ce qu'ils connaissent une loi qui les interdise, et ils ne peuvent pas connaître les lois tant qu'elles ne sont pas faites, et aucune loi ne peut être faite tant que les Hommes ne se sont pas mis d'accord sur la personne qui la fera." (Léviathan, Chapitre 13).



Ainsi pour Hobbes une action peut être déclarée "juste" ou "injuste" uniquement par rapport à une norme, une loi. Le droit (la loi) précède donc le juste. Mais cette loi pour Hobbes n'est ni une loi religieuse ni une loi morale,  ni une règle sociale mais bien la loi de l’Etat  car la personne chargée d’établir la loi désigne chez cet auteur le chef d’Etat (plu précisément le souverain) qui aura été choisi par les Hommes afin de réaliser le pacte social et sortir de l’état de nature. Dans ce dernier, les notions de justice et d'injustice n'ont aucun sens puisque tout les rapports entre les Hommes sont soumis au règne de la force. 

 

     Par conséquent Hobbes refuse que l'on apprécie le juste et l'injuste autrement que par rapport aux lois instituées par l'Etat. Cependant cette thèse nous semble difficile à admettre.  En effet, il existe de très nombreuses lois faites par des Etats qui nous paraissent totalement injustes voire révoltantes.

   On peut s'appuyer ici sur l'exemple du code noir, un ensemble de loi promulguées par Louis XIV concernant le traitement des esclaves.   ---> Voir le texte ici

 Citons quelques passages: "Les enfants, qui naîtront des mariages entre les esclaves, seront esclaves" (...)  "Défendons pareillement aux esclaves appartenant à différents maîtres, de s'attrouper le jour ou la nuit (...)  . "Déclarons les esclaves ne pouvoir rien avoir qui ne soit à leurs maîtres"

 

  Ces lois soit disant censées limiter la cruauté des maîtres envers leurs esclaves légitiment (justifient) en fait l'esclavage.  Or, celui-ci est profondément contraire à ce qui est juste.  Cela nous conduit à la distinguer ce qui est légal (conforme à la loi) et  de l'autre ce qui légitime (conforme à la justice morale).  

 

Mais notre question devient alors celle de la légitimité. Quelle critère prendre en compte pour définir la légitimité d'un acte ou d'une décision ?

 

 

2/ L'égalité

 

 Le code noir nous apparaît comme un texte profondément révoltant car ce texte est censé établir les droits et devoirs des maitres vis-à-vis des esclaves mais il part du principe que posséder des esclaves est "un droit".   Or ce prétendu droit se fonde lui-même sur une conception inégalitaire des Hommes qui remonte à l'Antiquité.  Certains Hommes seraient (soit disant) par nature  nés pour être libres tandis que d'autres  seraient nés pour être esclaves.   Cette thèse de l'inégalité entre les Hommes est combattue par Rousseau dans son texte Du contrat social qui réfute les différents arguments des partisans de l'esclavagisme. L'inégalité est d'abord une réalité sociale et non naturelle car même s'il existe des différences naturelles entre les Hommes, c'est la société qui les accentue et surtout qui les transforment en inégalités de droits.

Ainsi si l'on doit reconnaître que Hommes sont naturellement égaux, toutes inégalités de droit devient alors une injustice.  L'égalité est donc bien un des critères les plus importants pour définir la justice.  C'est pourquoi les discriminations, les traitements de faveur,  les "passe" droits sont ressentis comme des injustices.

Mais cette égalité est-elle  pour autant toujours parfaitement juste ? Suffit elle à définir complétement l'idée de justice ? 



REFLECHIR SUR UNE IMAGE

 

L'image représente deux scènes identiques mais avec des différences importantes. 

 

Quelle scène illustre t-elle pour vous la situation la plus juste ? Pourquoi ?

 


 

3/ L'équité

 

 Lorsqu'on prend en compte les deux situations décrites sur l'image, la seconde paraît plus juste. Dans la première situation, les trois personnages ont toutes une sorte de caisse en bois pour se surélever mais seulement deux d'entre elles peuvent voir le match. Dans la seconde situation la distribution des caisse est différente, le plus petit en a deux et le plus grand aucune. Ains ils peuvent tous voir le match.  Cette répartition permet à tous d'être à peu près à la même hauteur.    L'égalité (une boite pour chacun) ne correspondrait donc pas à la répartition la plus juste ?

Etre équitable consisterait donc à rompre le principe d'égalité ?  Mais sur quels critères pourrait on alors se fonder pour établir cette équité ?  

 

                                            A/ Le critère du besoin : 

 

  Dans l'image que nous avons analysé plus haut, il semble juste d'admettre que l'enfant doit être plus aidé pour lui permettre d'être à la bonne hauteur.  Sa petite taille doit être compensée par un avantage spécifique. Etre équitable reviendrait alors à prendre en compte les besoins d'une personne et à donner plus à ceux qui ont  moins.

L'idée d'une justice sociale se développe sur ce principe et consiste  à apporter une aide plus grande à ceux qui ont plus de difficultés pour combler leurs besoins. 

De même la justice pénale doit tenir compte de ce critère pour prendre une décision équitable. Une personne ayant commis un vol par nécessité (pour se nourrir) par exemple semble plus excusable qu'une autre qui aurait commis le même tout en ayant les moyens suffisants pour payer.

Toutefois le critère du besoin n'est pas aussi évident à admettre qu'il n'y parait: en effet ne risque -t-on pas réintroduire des distinctions fondées sur la nature des personnes alors que précisément on refusait ce type de considération de la part des partisans de l'inégalité entre les hommes ?   Ne dira t-on pas par exemple qu'un homme  à plus besoin de manger qu'une femme et qu'il est donc juste de lui donner une part plus importante de nourriture ?  Cette notion de besoin n'est-elle pas aussi liée  à la société (voire au milieu) dans lesquels on vit ?  Cela oblige en tout cas à bien définir la notion de besoin et à comprendre les raisons pour lesquelles une personne ne parviendrait pas à les satisfaire car après tout n'est-ce pas à chacun de fournir le efforts suffisants pour combler ses besoins ? 

 

                                             B/ Le critère du mérite:

 Nous en venons alors à un deuxième critère qui est souvent mis en avant pour définir l'équité, celui du mérite. Beaucoup de personne admettent par exemple qu'il est juste qu'une personne qui travaille avec acharnement obtiennent davantage de récompenses qu'une autre qui se contenterait de dormir toute la journée. Prenons des exemples: attribuer les mêmes notes à tous les élèves, ou le mêmes revenus à tous ceux qui travaillent ne semblerait pas  justes car on  ne tiendrait pas compte du mérite respectif des personnes (et pour le cas du travail, du niveau de qualification et des responsabilités). 

Etablir une échelle de récompenses en fonction du mérite semble donc bien un critère de justice important à prendre en considération (et qui pourrait alors s'opposer au précédent). 

Cependant le critère du mérite est lui aussi problématique car on juge le plus souvent du mérite par le résultat, donc au travers la réussite.  Or celui qui réussit n'est-il pas aussi celui qui avait été déjà le plus avantagé ? 

 

En conclusion, la justice est bien une question d'équilibre mais d'un équilibre difficile à trouver entre plusieurs critères qui pourraient paraître contradictoires:  être juste revient à traiter tous les humains de la même manière et en même savoir reconnaître leurs différences.  Pour être équitable, il faut savoir prendre en considération les besoins tout en reconnaissant également l'importance du mérite. 

 


  II  Comment établir la justice ?

 

S'il n'est pas évident de rendre compte de l'idée de justice, il est encore moins facile de la réaliser effectivement.  Comment en effet établir la justice ? Cette question peut se poser autant sur le plan individuel que sur le plan collectif. La justice est bien une notion transversale qui concerne à la fois la morale et la politique. 

 

1/ La réalisation individuelle  : la vengeance

 

Se venger est -ce une façon de réaliser la justice ?

 

Se venger consiste à "rendre le mal par le mal", c'est-à-dire faire souffrir moralement et/ou physiquement une personne que l'on estime responsable d'un préjudice. On peut parfois chercher à venger une autre personne que soi.

 

  D'un côté, la vengeance, lorsqu’elle reste dans les proportions du préjudice subi peut sembler légitime surtout lorsqu’il n’existe aucune autre forme de réparation:  elle permet de punir et de faire payer le coupable qui, sans cela, resterait dans l’impunité totale. Elle pourrait apporter une sorte de "dédommagement" si l'on part du principe que voir ou faire souffrir celui qui a fait du mal constitue une sorte de soulagement. Plus encore, la vengeance pourrait être un avertissement: "qui s'y frotte s'y pique" dit l'adage courant. Ainsi celui qui a reçu "une bonne leçon" comprendrait mieux la portée de ses actes et réfléchirait à deux fois avant de recommencer. On voit parfois dans le "destin" lui même une forme de puissance vengeresse, c'est "le Karma" entend- on parfois lorsqu'une personne qui fait du mal est à son tour frappée par le sort.  Cela rejoint l'Antique croyance des Grecs aux déesses vengeresses qu'on nomme les Erinyes et dont la cruauté et la férocité sont sans limites. 

 

Toutefois la vengeance comporte en elle-même un risque d'injustice. Dans la vengeance on est juge et partie et il est sans doute difficile d'être impartial lorsqu'un préjudice nous touche directement car les sentiments, les passions empêchent de "garder la tête froide" et de juger correctement. On peut exagérer l'offense ou le préjudice subi.    La loi du Talion:  « œil pour œil, dent pour dent »  que l’on associe à la vengeance avait d'ailleurs pour but de fixer une limite à la vengeance. Mais même cette "loi" peut nous paraître totalement injuste si on l'appliquait à la lettre.  Imaginons qu'un le fils d'une personne soit tué, il faudrait alors tuer le fils du tueur  pour qu'il éprouve la même peine. Il faudrait donc "sacrifier" un innocent. On voit que la vengeance peut devenir une véritable passion aveugle et destructrice car pour faire souffrir et laver l'offense tous les "coups sont permis".  Ainsi le personnage de Médée dans la mythologie grecque tue son propre fils  pour se venger de la trahison de Jason ! La vengeance ne recule devant aucun sacrifice même celui de sa propre vie. Enfin, au lieu de mettre un terme au conflit, elle incite au contraire à le poursuivre et l'amplifier et se transforme alors en une vendetta sans fin. 

 

Pour sortir de cette spirale de la violence engendré par la vengeance, il faudrait alors nécessairement que la justice soit établie par une institution sociale.




 

  2/  L'institution judiciaire, son rôle, ses limites

 

Pour échapper au cercle de la vengeance, il paraît nécessaire d'établir un arbitre qui juge et punisse de façon impartiale en étant extérieur au conflit. C'est cette idée que l'on trouve dans le texte de Hegel extrait de son œuvre : propédeutique philosophique.

 

 

La vengeance se distingue de la punition en ce que l'une est une réparation obtenue par un acte de la partie lésée, tandis que l'autre est l’œuvre d'un juge. Il faut donc que la réparation soit effectuée à titre de punition, car, dans la vengeance, la passion joue son rôle, et le droit se trouve troublé. De plus, la vengeance n'a pas la forme du droit, mais celle de l'arbitraire, car la partie lésée agit toujours par sentiment ou selon un mobile subjectif. Aussi bien, quand le droit se présente sous la forme de la vengeance, il constitue à son tour une nouvelle offense, n'est senti que comme conduite individuelle, et provoque inexpiablement, à l'infini, de nouvelles vengeances.                 HEGEL                    Propédeutique Philosophique

 

*partie lésée: la victime ; *arbiraire: sans justification * mobile subjectif: but personnel * inexpiablement : de façon inexcusable.

 

 

Si l'institution judiciaire (La Justice) apparaît comme nécessaire d'après le texte de Hegel pour établir la justice en évitant l'arbitraire de la vengeance, il n'est demeure pas moins que cette institution soulève de nombreuses questions:  quelles sont les véritables finalités de la Justice ? Quelles sont ses limites ?

 

A/ Les finalités de la justice

 

  La sanction judiciaire diffère d’un  acte de violence de part ses finalités qui n'est pas simplement de "faire souffrir" comme c'est le cas de la vengeance.

La Justice a pour première finalité la réparation, le dédommagement du préjudice subi.  C'est le rôle des "dommages et intérêts" par exemple qui sont versées aux plaignants. 

La justice a aussi un rôle de protection des victimes et doit empêcher de subir de nouveaux préjudices.


Paradoxalement la Justice peut prendre des sanctions  qui peuvent chercher à aider le coupable d'une infraction.  La sanction peut avoir un rôle éducatif et permettant à l’auteur de l’infraction de lui faire comprendre ou réaliser un danger pour soi et/ou pour autrui. 


Enfin la Justice joue un rôle important dans le maintien de l’ordre et donc dans le fonctionnement de la vie sociale: elle dissuade les violations de la loi.


B/ Les limites  de la justice :

 

Une des difficulté réside dans le fait que les différents buts peuvent être antagonistes (s'opposer) : en cherchant à rétablir et maintenir l’ordre social, la Justice peut par exemple prononcer une « peine pour l’exemple » qui sera nécessairement injuste pour l'individu qui "paie" pour les autres. 

 

De même la Justice  en cherchant l'amendement (l'amélioration morale) d'un coupable peut lui infliger une peine "éducative" qui paraîtra trop légère à la victime et  face à l'irréparable, la Justice ne peut apporter qu'une « compensation » qui paraîtra bien dérisoire.

Ainsi la Justice apparaît prise dans un jeu d’équilibre difficile entre les exigences de la société,  les impératifs moraux et les attentes des victimes.

 

Enfin  l’institution judiciaire applique les lois qu’elle n’a pas elle-même établi. Elle reste donc dépendante du système politique en place. La Justice applique la loi, elle ne fait pas les lois.  La réflexion sur la justice s'étend  aussi la question de la justice des lois ce qui renvoie aux notions de l'Etat et de la politique. 

 

                                                 Troisième partie:    la notion de droit

 

   La Justice prononce ses décisions au nom du droit, mais qu'est ce que le droit ? 

 La notion de droit tout comme le terme de justice comporte plusieurs aspects qu'il convient de bien définir.

                                                    

 

       1/ Le droit positif: 

 

Le droit positif renvoie à l’ensemble des lois en vigueur dans un Etat. Il fait alors référence aux différents codes qui déterminent la légalité et l’illégalité des actions.  Un acte pourra alors être jugé par un tribunal en fonction de sa conformité aux textes de lois en vigueur.   On appelle ce droit, le droit positif  non pas parce qu’il serait toujours bon mais parce qu’il est établi, posé par des institutions publiques. (Le terme positif vient du latin positum qui signife « posé »).

 

Cependant ce droit positif peut lui-même nous paraître bien injuste parfois. Prenons l’exemple d’une loi controversée concernant l’aide apporté à des personnes en situation irrégulière :  « La loi condamne « toute personne qui aura, par aide directe ou indirecte, facilité ou tenté de faciliter l’entrée, la circulation ou le séjour irréguliers, d’un étranger en France ». Cette personne risque cinq ans d’emprisonnement et une amende de 30 000 euros » Article L622 datant de 2012.  Cette loi a été le fondement de la condamnation de plusieurs personnes qui sont venus en aide à des migrants avant d’être elle-même abrogée (annulé) en 2018 par le conseil constitutionnel.

 

Ainsi ce qui est légal d’après la loi ne nous paraît par toujours légitime.

 

EXERCICE – Trouvez des exemples de lois ou de décisions de Justice en complétant le tableau :

 

Légal et illégitime (injuste)

 

                       illégal mais légitime (juste)

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

-Si vous travaillez en groupe, comparez vos réponses :

-Etes vous tous d’accord sur ce qui légitime ou illégitime ?

-Quel problème cela soulève-t-il ?

 

 

 Reprise: 

On s’aperçoit qu’il est plus facile de savoir ce qui est légal (il suffit de se rapporter aux textes de lois et aux décisions des tribunaux) que de définir de façon objective ce qui légitime.   

 

La notion de légitimité renvoie à la conscience de l’individu et à une certaine idée de justice morale.  Or la morale n’est-elle pas elle-même différentes selon les personnes ? De plus, si chacun devait obéir à la loi en fonction de ce qu’il considère légitime, cela poserait également  le problème du maintien d’un ordre social car chacun pourrait trouver légitime de désobéir dès lors que la loi serait contraire à sa propre conception de la justice.  Faut-il alors séparer totalement le droit et la morale ?

 

-     2/  Le positivisme juridique

Pour le courant du positivisme juridique dont le représentant le plus connu est Hans Kelsen  : « le droit est séparé de la morale en ce sens que l'existence d'une norme juridique n'est pas autre chose que sa validité dans le système auquel elle appartient et cette validité dépend exclusivement de sa conformité aux conditions fixées par une norme supérieure ». En d'autres termes,  une règle juridique ne doit pas être appréciée ou jugée par rapport à la justice morale mais uniquement par rapport à sa cohérence logique par rapport à l’ensemble des autres lois. Un bon système juridique serait alors un système bien construit comme une théorie mathématique où l’on pourrait déduire d’un petit nombre de règles toutes les autres. Un système juridique sera aussi meilleur qu’un autre parce que les lois auront été plus clairement déduites d’un petit nombre de principes.

 Cependant est-il possible d’écarter aussi facilement la notion de justice morale du droit ? Mais comment l’introduire en gardant au droit son objectivité ? C'est pour faire face à cette difficulté que l'idée de droit naturel est mise en place.

 

 3/  La théorie du droit naturel .

 

Qu'est ce que le droit naturel ?     Le droit naturel est l'ensemble des droits que chaque individu possède du fait de son appartenance à l'humanité et non du fait de la société dans laquelle il vit.

Le terme naturel se rapporte ici à la nature de l'Homme  et non à une nature envisagée comme un monde animal soumis à la "loi du plus fort".  

 

Cette notion est étroitement liée à la reconnaissance de la notion de personne humaine et des droits qui lui sont attachés.  Elle trouve son expression dans la Déclaration  des droits de l'Homme de 1789 par exemple- " Les Hommes naissent libres et égaux en droits".

 

 Léo Strauss, un auteur contemporain soutient la nécessité de recourir à la notion de droit naturel lorsqu'on porte un jugement sur le droit positif. 

 

"Rejeter le droit naturel revient à dire que tout droit est positif autrement dit  que le droit est déterminé exclu si par législateurs et les tribunaux des différents pays.   Il est évident qu'il est parfaitement sensé et parfois même nécessaire de parler de lois ou de décisions injustes. En passant de tels jugements, nous impliquons qu'il y a un étalon du juste et de l'injuste qui est indépendant du droit positif et lui est supérieur : un étalon grâce auquel nous sommes capables de juger le droit positif".

 

 

Léo Strauss – Droit naturel et histoire

 

 Reconnaitre l'existence d'un droit naturel donne la possibilité de juger les différents systèmes de doits positifs et d'établir des différences:   les lois de IIIème Reich forme peut être un système juridique cohérent mais ne peuvent en aucun cas être considéré comme justes car ces lois sont contraires à des droits fondamentaux des être humains.  Le droit naturel représente donc une norme supérieure qui permet de juger les systèmes de droits établis par les Etats au cours de l'histoire.

 

La notion de droit naturel a d'abord été considéré comme une limite au droit positif (le droit institué par un Etat) puis comme devant être défendu par le droit positif. 

 

Pour autant cette notion de "droit naturel" reste problématique concernant le contenu exact des droits fondamentaux mais aussi de la manière de les exercer. La déclaration des droits de l'Homme et du citoyen de 1789 reconnaît par exemple  le droit de propriété comme un droit fondamental ce qui fera que Marx considère cette déclaration comme issue de la bourgeoisie. 

 

On comprend donc que la référence au droit naturel reste indispensable en tant que norme supérieure qui permet de juger le droit positif et auquel celui-ci doit se référer pour progresser et qu'en même temps le contenu exact de ces droits restent toujours à actualiser et  à défendre.

 

 

 

 

 

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