Création, Rupture, Continuité
Introduction générale : La crise, destruction ou création ?
La crise est un moment de rupture, de déséquilibre mais aussi de transformation. Elle touche tous les domaines : social, politique, scientifique, culturel, spirituel. Elle peut être douloureuse, mais elle est aussi un moment décisif qui permet un nouvel équilibre. Krisis en grec signifie « jugement », « prise de décision ».
I – Le 20ème siècle : une crise spirituelle sans précédent
1. Remise en cause de la raison – Crise de la rationalité
Dans l’idéal du siècle des Lumières, la raison est le moteur du progrès humain. Elle permet de penser par soi-même (Kant) et de transmettre les connaissances fondant une éducation universelle.
Les sciences et techniques apparaissent comme les fruits de cette raison destinées à améliorer la condition humaine. Cette vision alimente une croyance forte dans le progrès, particulièrement au XIXᵉ et au début du XXᵉ siècle.
Mais les cataclysmes du XXᵉ siècle (guerres mondiales, génocides, bombe atomique) remettent en question cette confiance : la rationalité devient un instrument de destruction.
– Adorno et Horkheimer dans La dialectique de la raison (1944) critiquent les effets pervers du progrès technique et scientifique.
Idées clés :
- Domination de l’utilitarisme : seules les choses techniquement utiles comptent.
- Perte de valeur des principes comme la vérité, justice, liberté.
- « Des principes de vérité, de liberté, de justice, d’humanité ont perdu leur réalité pour devenir de simples mots. »
2. La crise de la culture
– Hannah Arendt, La crise de la culture (1954)
Présentation : critique de la transformation de la culture par la société de masse.
Idées clés :
- La culture devient marchandise : elle perd sa fonction éducative et émotive.
- Les objets culturels deviennent des produits de consommation.
- Cela entraîne une perte d’identité pour les individus, qui perdent le lien avec leur patrimoine.
3. La crise de la science –
Husserl, La crise des sciences européennes (1936)
Présentation : la science moderne est techniquement brillante mais déconnectée du sens humain.
Idées clés :
- La science oublie l’esprit, le sujet humain.
- Il faut recentrer la science sur l’expérience de l’esprit.
- « L’esprit et lui seul existe en lui-même et pour lui-même. »
Exemple actuel : la biotechnologie permet des avancées pour soigner des maladies, mais peut dériver vers l’eugénisme. Le progrès technique pose des enjeux éthiques fondamentaux.
II – Des crises politiques et économiques d’ampleur mondiales
1 Les crises politiques
Les régimes totalitaires
Antonio Gramsci, Cahiers de prison (années 1930)
Présentation : les crises politiques sont des crises de pouvoir (ou crises d’hégémonie).
Idées clés :
- Une crise survient lorsque les classes sociales ne se reconnaissent plus dans leurs partis.
- Cela favorise l’émergence de solutions autoritaires.
- « Crise d’autorité » → perte de légitimité de l’État.
2 Les crises économiques du capitalisme
Marx, Manifeste du Parti Communiste (1848)
Présentation : les crises sont internes au capitalisme.
Idées clés :
- Le capitalisme produit trop → crise de surproduction.
- La bourgeoisie détruit ou élargit les marchés pour sortir de la crise mais provoque toujours de nouvelles crises.
- - L’exploitation du travail mène à des crises politiques et sociales.
III – Les crises écologiques et humanitaire
1 Crise écologique
De nouvelles crises sans précédent frappent l’Humanité .
Hans Jonas, Le Principe responsabilité (1979)
Face à la menace écologique, une nouvelle éthique est nécessaire.
- La technique a un pouvoir destructeur irréversible.
- Les anciennes morales ne sont plus adaptées.
- « Ne compromets pas les conditions pour la survie indéfinie de l’humanité sur terre. »
2 Crise humanitaire
Giorgio Agamben, Au-delà des droits de l’homme (1993)
Présentation : les crises humanitaires montrent les limites de l’État-nation.
Idées clés :
- Le réfugié, privé de citoyenneté, perd ses droits fondamentaux.
- Les droits de l’homme ne sont garantis que par un État.
- La crise humanitaire est aussi une crise des fondements politiques.
Conclusion
La crise est à la fois un moment de rupture et une opportunité de création d’un monde nouveau. Mais, comme rien ne naît du néant ; ce monde en devenir conserve en lui les traces du passé : des continuités subsistent au cœur même du changement.
Il faut aussi souligner que chaque crise majeure du XXe siècle a été l'occasion d'une rupture dans les repères anciens, mais aussi d'une création :
De formes nouvelles de pensée aparaissent (existentialisme, psychanalyse, phénoménologie)
De nouvelles formes dart et d’esthétiques (surréalisme, art abstrait, théâtre de l’absurde)
De nouvelles institutions politiques et économiques destinées à maintenir la paix et la stabilité.
mais ce monde en devenir reste encore à inventer (créer) dans de nombreux domaines.
Ouverture :
Une création sans crise est-elle possible ?
Peut-on innover sans passer par une remise en cause radicale ?