Fiche la nature

 

L’Homme ne se contente pas de contempler, ou de chercher à connaitre les « secrets » de la nature pour  la comprendre ou l’exploiter, il se sert de la nature comme d’un modèle, d’une norme qui lui sert de référence pour justifier un comportement ou au contraire le dénoncer. Lorsqu’on dit « c’est naturel » c’est une façon de légitimer ou de justifier une pratique, un comportement. A l’opposé l’expression « contre nature » dénonce un comportement que l’on condamne. La nature est aussi fréquemment invoquée dans l’argumentation morale et politique comme en témoigne les expressions : « Loi naturelle », « droit naturel », « état de nature ».  Cependant cette référence à la nature est d’autant plus problématique qu’elle est mal définie.  D’un côté, on trouve l’image d’un nature harmonieuse dans laquelle tout est bien organisé et de l’autre, on trouve aussi l’idée une nature « sauvage » et violente que l’Homme doit apprivoiser. L’image que l’Homme construit de la nature n’est-elle pas alors dépendante d’une culture ?  Que désigne véritablement la nature ? Quels sont les rapports de l’Homme avec celle-ci ?

 

 

I/ La nature physique

 

La nature renvoie au monde physique qui existe indépendamment de l’Homme.[1]  Ce monde physique est caractérisé par le mouvement   Déplacement des corps dans l’espace (ex : mouvement des planètes) mais aussi cycle de la vie pour les végétaux et les animaux.  Le mot nature vient d’ailleurs du latin « nascor » qui signifie « naitre »  ce qui souligne cette idée de genèse, de spontanéité que l’on trouve chez les êtres vivants.  Comment rendre compte des phénomènes naturels ?

 

A/ L’explication par le finalisme :

 

Aristote définit la nature comme un principe interne de mouvement. Les êtres naturels se déplacent, bougent, changent sans qu’aucune intervention humaine soit nécessaire.   Ce qui caractérise ce mouvement selon Aristote  est qu’il est dirigé par une finalité qui est à la fois interne et externe. Il écrit : « la nature ne fait rien en vain mais tout en vue d’une fin ».    - Finalité interne :   La croissance et le développement d’un être vivant ne se fait pas au hasard mais pour atteindre une « but » : devenir adulte et transmettre la vie. – Finalité externe : chaque espèce à un rôle dans la nature pour permettre aux autres de vivre.     La nature est ainsi pensé comme un principe d’organisation  qui permet aux différentes espèces de vivre en harmonie.

 

b /L’explication par le  mécanisme :

 

La science du 17ème siècle rompt avec le finalisme qui est jugé trop « mystérieux ».  Le finalisme aboutissant souvent à personnifier la nature. (Voir l’expression « mère nature »).

La science explique alors les phénomènes naturels uniquement à partir lois physiques en excluant toute idée de but.   Cette manière d’expliquer les phénomènes naturels est désigné sous le terme de « mécanisme ».

Le modèle de la nature pour le mécanisme est celui d’une horloge. Si on dit que l’horloge est faite pour indiquer l’heure, on n’a encore rien expliqué. Il s’agit pour le scientifique de comprendre le mouvement des aiguilles et pour cela il faut ouvrir l’horloge et étudier comment le mouvement se transmet depuis les plus petits ressorts jusqu’aux roues qui font tourner les aiguilles. La science cherche les causes et non les buts.

 

Descartes utilise ce modèle mécaniste dans le domaine de la biologie pour décrire le fonctionnement du corps : le cœur est comme une pompe, les vaisseaux sont comme des tuyaux, les poumons sont  comme des soufflets.(etc.)  Ainsi pour Descartes, le corps vivant n’est pas fondamentalement différent  des machines crées par l’Homme à la différence seulement que ses pièces sont plus petites et plus complexes.    

Pourtant les êtres vivants évoluent et semblent doué d’une capacité d’adaptation que n’ont pas les « machines ».    L’évolution des êtres vivants est également expliquée par les scientifiques comme Darwin par des facteurs matériels (ex : changement climatique, disparition de certaines espèces qui obligent d’autres à changer leur alimentation…).

La science désacralise la nature qui est considérée comme une matière en mouvement ouvrant la voie à son exploitation et à sa transformation pour les besoins ou les désirs des Hommes.   La science permet à l’Homme de se rendre comme : «  maitre et le possesseur de la nature » selon la formule de  Descartes.  

De nos jours ce modèle mécaniste est jugé trop réducteur pour expliquer adéquatement les phénomènes naturels mais le risque serait alors de revenir à  l’idée d’une finalité présente dans tous les processus naturels, on reviendrait à l’idée de « mère nature » qui est doué d’une intention.  (Ex : la nature crée des virus pour limiter la surpopulation).

 

 

II/ La nature humaine :

 

L’Homme s’est toujours considéré comme étant une « exception » dans la nature, un « être à part » distinct des autres espèces.  La question de la nature humaine et de ses attributs est au centre de nombreux débats.

 

1/ Une définition de l’Homme

 

 La conscience, la raison, la parole, l’utilisation des outils sont présentées comme les caractéristiques qui permettent de caractériser la nature humaine.  Aristote écrit : « l’Homme est un animal doué de raison ». Blaise Pascal radicalise encore l’opposition Homme /animal en indiquant que la conduite des animaux est entièrement soumise à l’instinct naturel tandis que celle de l’Homme relève de la raison qui permet aux hommes d’acquérir des connaissances et de les transmettre.

 

2/ Remise en cause des critères

 

L’éthologie animale (l’étude du comportement animal) au XXème siècle montre que les critères sur lesquels on avait établi une différence radicale entre l’Homme et l’animal ne sont pas si tranchés. L’apprentissage est un phénomène qui existe dans de nombreuses espèces. Le fait que l’animal puisse mettre en place des stratégies et trouver des solutions à certains problèmes seraient le signe d’une forme d’intelligence…

 

De plus, affirmer qu’il existe une nature humaine définie par certain critère précis risque d’exclure de l’Humanité ceux qui ne se conformeraient pas à ces critères (ex : une personne atteinte de trisomie n’est pas capable d’avoir un raisonnement très élaboré mais pourtant c’est un humain). Enfin certains critères sont purement ethnocentriques et peuvent conduire au racisme. (ex :  Les indiens du nouveau monde ne sont pas des humains parce qu’ils ne connaissent pas la religion catholique).

 

3/ Le rôle de la culture

 

Ce qui apparait comme fondamental, c’est le rôle essentiel de la culture. « On ne nait pas Homme, on le devient » écrit Erasme.  La nature de l’Homme, c’est précisément de ne pas avoir de nature. L’Homme est alors ce qu’on le fait être au travers de l’éducation qu’il reçoit. C’est « l’Homme qui fait l’Homme » ce qui explique les différences considérables dans les modes de vie et les coutumes.

Rousseau exprime cette idée avec le concept de perfectibilité qui désigne la capacité de l’humain à évoluer, à se transformer en fonction de l’influence de la société et de l’éducation. Attention cette perfectibilité n’est pas nécessairement positive, elle peut conduire l’Homme vers l’erreur et le vice.

 

4/ L’importance de la liberté

En insistant sur la liberté de choix Sartre rejette l’idée d’un « nature humaine » prédéfinie. C’est à l’Homme de décider ce qu’il veut être. Sa conduite est toute entière le résultat de ses choix ce qui lui donne une responsabilité car chaque choix engage un modèle pour l’Humanité.  Sartre formule cette idée en écrivant que pour l’Homme : « l’existence précède l’essence ». Ce sont les choix que l’on a réalisé tout au long de notre existence qui définissent ce que nous sommes.

 

 

 



[1] Le terme physique vient du grec « phusis » qui signifie la nature.